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La Ligne du Devoir

La voix des poètes roses: Ces « lignes d’eau d’aube » à Yandé Codou Sène… Par Jean Michel SECK

Quelle distance sépare  le Sine-Saloum de la Seine ?

Je viens de lire le nom de Yandé Codou Sène dans le texte que tu as partagé et qui est signé  Babacar MBaye Ndaak.

J’ai pensé aussitôt au texte que j’avais écrit pour elle, il y a dix ans, en apprenant, à Paris, sa disparition…

La nouvelle de cette disparition m’avait rendu triste autant que celle de la grande Katoucha Niane…

Il faut savoir-tout le monde ne le sait pas- que je « franchissais la Seine » tous les matins (du lundi au vendredi) vers 6h55.

Je traversais à pied le Pont de Neuilly pour me rendre à La Défense où je travaillais…

J’ai souvent « écrit » tous mes textes d’abord dans ma tête avant de saisir les mots sur un clavier d’ordinateur…

Je marchais en pensant à cette voix que j’avais connue et cette voix-celle de Yandé Codou Sène à l’approche des rives de la Seine ( sic…) montait sur la « scène imaginaire ».

Je pouvais ainsi, avant d’arpenter la fameuse passerelle du président Paul Doumer, contempler une image recréée de la cantatrice Yandé Codou Sène, celle qui a signé-nom de son premier album-“Night Sky in Sine Saloum…”.

Quelle distance sépare donc le Sine Saloum de la Seine ?

Cette distance-croyez moi-est faite d’eau et de lumière…

«  C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière », nous a appris Edmond Rostand…

Katoucha Niane qui a connu ses heures de gloire et de lumière en France surtout, a reçu mes modestes « lignes d’eau » lorsque j’ai écrit pour elle un texte qui est né aussi dans ma tête alors que je traversais la Seine…

Je devais aussi écrire quelques «  lignes d’eau et d’aube » à Yandé Codou Sène…

Les mots sont venus naturellement et dictés certainement par la présence invisible de la cantatrice sérère : les pangools expliquent toujours l’inexplicable…

En quelques minutes, j’ai écrit mon hommage à Yandé Codou Sène…

Sud Quotidien ou Walf ( je ne sais plus…) avait publié le texte…

J’ai quitté plus tard les rives de la Seine, pour retrouver la Pointe de Fann…

«  Un pont de douceur les relie… »

L’eau coule à Diokoul…

L’eau primordiale relie les hommes et les femmes..

Le liquide amniotique relie l’enfant à sa mère…

Présence du cordon ombilical…

Je me suis rendu au domicile de Yandé Codou Sène, à Gandiaye, en 2014, avec mes sœurs et mon épouse.

Nous souhaitions alors rencontrer la famille de Yandé Codou Sène et lui demander l’autorisation de baptiser un des espaces de la «  Casa Manouche » l’espace Yandé Codou Sène et accrocher son portrait…

La famille de Yandé Codou Sène nous a reçus les bras ouverts et  l’autorisation nous a été accordée

La fille ou la nièce de Yandé Codou Sène a pris la relève…

Elle a chanté au Théâtre de Verdure Bakary Traoré au Monument de la Renaissance Africaine (MRA) le 26 novembre 2014, avant la présentation au public sénégalais, pour la première fois, de l’hymne du baobab (texte et musique de M. Raphaël Ndiaye, Directeur général de la Fondation L.S.Senghor).Paix à l’âme de notre Yandé Codou Sène.

Sa voix résonne encore…

 

Yandé Codou Sène ou la voix des poètes disparus…

‘’Les lamantins vont boire à la source de Simal’’…: Ainsi en a décidé, au soir du premier jour, le poète Léopold Sédar Senghor, l’enfant du pays sérère, l’enfant de Joal et de Djilor, celui-là même que Yandé Codou Sène a chanté, la nuit, au milieu des étoiles qui scintillaient dans le ciel du Sine…

Qui chantera désormais le soir, l’enfant de Joal et de Djilor ?

Yandé Codou Sène n’est plus…

La voix, haute comme les palmiers du Sine, de Yandé Codou Sène s’est tue : c’était son dernier matin…

‘’Le chant reprendra’’, a écrit l’autre poète sénégalais, car les poètes rendront hommage à Yandé Codou Sène, au milieu de la nuit qu’ils choisiront…

Le royaume du Sine où est née Yandé Codou Sène gardera le souvenir ému de la chanteuse aux lunettes noires, qui a chanté mieux que personne,  le poète de la négritude, son poète éternel : à poète éternel, voix éternelle !

Le théâtre national Daniel Sorano a souvent vibré aux mille sons de la voix profonde de Yandé Codou Sène, celle qui avançait debout dans les travées et qui tendait les bras à la poésie, cette belle créature…

Notre cantatrice s’en est allée : sa voix ne retentira plus le soir au clair de lune dans le royaume du Sine…

Sédar, le fils de Gnilane, et tous les autres poètes arrachés à notre affection (je n’oublie pas David Léon Mandessi Diop) ne sont plus là pour écouter les chants du Sine…

Yandé Codou Sène a traversé, en chantant, les siècles des hommes et des femmes et la lumière du temps, celle qui éclaire la nuit mystérieuse où les initiés rendent l’oracle…

Les poètes d’ici et d’ailleurs chantent aujourd’hui à l’unisson pour rendre hommage à Yandé Codou Sène : ils  lui tendent ‘’de leurs mains périssables’’ la dernière ‘’hostie noire’’ de leur calice d’argent…

Adieu Yandé Codou Sène et que la terre du Sine te soit légère…

 

 

       Jean-Michel Seck

       Paris le 19/7/10