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La spasmophilie, une maladie à l’extrême excitabilité nerveuse et musculaire Chérifa sadany Ibou-Daba SOW

La maîtrise ! Ordonnance à renouveler plusieurs fois

Les spasmophiles ne sont ni fous ni narcissiques. Ils souffrent de troubles de paniques handicapant leurs activités sociales ou professionnelles. Souvent incompris, ils sont victimes de préjugés et vivent dans un profond stress.

N.A.D est surnommée flemmarde par ses frères. Elle est la troisième fille de sa mère. De 1999, donc jeune, mais elle n’est pas active : après ses cours, elle ne sort presque jamais de sa chambre. Pas de fréquentation, pas de retrouvailles ni de balade. Elle est spasmophile.

« Je l’ai su après plusieurs recours à des thérapies inutiles (marabout). Un jour, j’ai parlé de mes crises à ma meilleure amie qui s’inquiétait de mes absences en cours et crises de nerfs. Elle m’a conseillé d’aller voir un neurologue parce que, d’après elle, mes crises ressemblaient à celles que faisait sa sœur spasmophile. J’en ai parlé à mes parents et ils m’ont conduite à l’hôpital Fann où j’ai eu les analyses qui ont affirmé ma maladie », livre N.A.D.

Troubles d’anxiété

La spasmophilie est la manifestation des troubles anxieux. Le stress et l’angoisse sont les principaux facteurs déclencheurs. La victime, dans une très grande sensibilité émotionnelle, fait une crise subite regroupant un ensemble de symptômes : « Quand ça m’arrive, e ne ressens plus mes membres. J’ai l’impression d’être paralysée. J’ai des vertiges, une contracture des doigts, je deviens nerveuse, colérique, tremblante. Je perds toutes mes capacités. La peur profonde que je ressens est inexplicable et incompréhensive. »

Les spasmophiles sont souvent des personnes incomprises à cause de leur comportement. Elles sont insociables, hésitantes, souvent victimes de préjugés. Comme le cas de Ndèye Debo Sow.
Étudiante en licence à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, elle nous explique ses débuts avec sa maladie. « Je crois que les signes étaient présents depuis mon enfance : ma mère m’expliquait qu’à mon enfance, j’étais tout le temps en pleurs, que je me griffais les oreilles jusqu’au sang. Quand j’ai découvert que je suis spasmophile, elle a compris que c’est de ça qu’il s’agissait donc. »

Ça n’a jamais été facile pour elle de gérer la maladie. Sa famille avait du mal à comprendre ses sautes d’humeurs. « Les gens pensent que je suis impolie, capricieuse. Ça a commencé avec ma famille lorsque j’imposais le calme parce que les bruits bourdonnaient dans mes oreilles. Ils me traitaient de tous les noms. J’exigeais qu’on me laisse dormir jusqu’à l’heure qui me convienne mais c’était encore une fois des incompréhensions. Quand le neurologue qui me suivait à l’hôpital des militaires de Ouakam a reçu mes parents, il leur a expliqué comment il fallait vivre avec moi pour m’aider à gérer les crises. »

Comme N.A.D, Ndèye Débo Sow se sent mieux depuis qu’elle a compris sa maladie. Toutes les deux anticipent sur les crises en suivant un traitement prescrit par leurs neurologues. « Je prends du magnésium. Je pratique le sport, j’évite d’être fatiguée. Je mange bien et équilibré, j’essaye de ne pas accumuler les cours. Je suis à la Faculté des Lettres, je songe à devenir interprète de la langue italienne. J’ai énormément de fascicules à mémoriser. Mais heureusement j’ai une méthode efficace pour éviter d’entrer dans le surmenage ou le stress qui déclenche la plupart du temps ma spasmophilie. J’écoute de la musique, je me couche très tot pour avoir un maximum de sommeil. Quand il y a du bruit, je m’isole. J’arrive à gérer mon anxiété grâce à mon neurologue qu, lors de nos séances de thérapie, me fait comprendre que pour éviter des crises, il faut que j’arrive à retrouver mon autonomie, que je me maitrise», explique Ndèye Débo Sow.

Selon N.A.D, être spasmophile au Sénégal, c’est signer son arrêt de mort :  « Les gens ici, pensent que c’est la maladie des Occidentaux. Soit ils te taxent de fou ou te délaissent pensant que tu es impoli. La cause, c’est parce que la spasmophilie n’est pas bien connue au Sénégal à mon avis. Beaucoup de jeunes sont trainés chez les marabouts, leur famille croyant qu’ils sont possédés. “Rapp laa”, c’est ce que la famille va dire. Mais ils sont juste spasmophiles. C’est une maladie qui t’oblige à t’éloigner des gens, à être solitaire, bipolaire, invivable et paresseux. Moi par exemple, je ne peux pas aller devant toutes les portes des voisins pour leur dire que je suis spasmophile ; il faut me comprendre : si je ne suis pas ouverte à vous. Ils ne vont jamais me prendre au sérieux. Déjà, dans mon quartier, les incompris pensent mal de moi. Je pense qu’il est temps de mener des campagnes de sensibilisation. Cela aiderait les parents, le public et les victimes à comprendre la spasmophilie. Et cela nous fera moins stressés », propose N.A.D qui se voile dans ses initiales.

Impression d’étouffer, palpitations, peur de mourir ou de devenir fou, vertiges, tremblements, impression de dépersonnalisation, nausées, vomissements, tels sont les symptômes de la spasmophilie. Selon les psychothérapeutes, il faut du courage aux patients pour gérer cette perturbation. Ainsi, une bonne hygiène de vie, de l’exercice régulier, un sommeil en quantité, le respect des thérapies médicamenteuses et une bonne maîtrise de soi sont préconisés aux spasmophiles pour qu’ils puissent ramener leur terrain à l’équilibre.