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La révolution culturelle: Des signes précurseurs (habillement, langage) laissent à penser qu’une révolution tranquille se prépare, 60 ans après les indépendances Par Vovo Bombyx, Économiste et acteur culturel et Pathé MBODJE, Journaliste et sociologue & alliés

Le souci de dignité des jeunesses africaines est perçu comme un sentiment anti-France dans une perspective politique, alors qu’il est seulement culturel. Il se manifeste comme avec Mobutu et son authenticité, comme le mouvement de la Négritude des années 30, un retour aux sources et valeurs éteintes par une force étrangère coercitive.

Ce mouvement déteint sur le pouvoir étudié comme relevant du système de reproduction induite des formes de domination et de mainmise de forces extérieures.

Aux deux extrêmes du balancier, devant relever les impératifs de développement dans un village planétaire et solidaire et le besoin de dignité des populations, le pouvoir peine à comprendre la volonté d’être des populations exposées toujours sur l’autoroute de la pauvreté et du dénuement et qui expriment le souhait de couper à la source tout lien avec ceux qui sont à la base de leur retard et leurs relais locaux.

Secousses importantes

Sans remonter à l’ouvrage de Jean-Pierre Ndiaye intitulé « La jeunesse africaine face à l’impérialisme », il faut souligner qu’un mouvement puissant prend forme et il donnera lieu à des secousses importantes.

La jeunesse que nous observons développe une « conscience digitale ».

Elle est reliée instantanément « par ses doigts appliqués sur un smartphone » aux quatre coins de l’univers.

Voilà pourquoi dans certains pays (la Chine pour ne pas la citer), dès que la jeunesse «  frappe des doigts », l’internet est coupé…

La jeunesse sénégalaise dans pratiquement toutes ses tranches d’âge développe la même «  conscience digitale » et elle a cessé de diviser le temps en «  passé, présent et avenir… ». Seul compte désormais et depuis plusieurs années «  l’instant présent »… Une multinationale comme Coca-Cola l’a compris très vite (ils ont une grande faculté d’analyse des grandes tendances).

Le jeune de 18 ans qui vit à Kolda ou à Saint-Louis est relié instantanément à tous les continents. Il entre en contact avec ses amis partout dans le monde et à l’instant «  T » et il peut les voir «  à l’écran ».

Nous observons depuis plusieurs années que « l’effet Duesenberry» basé sur l’imitation et la démonstration s’affaiblit et laisse place à l’imagination digitale… Notre jeunesse crée beaucoup et il suffit d’observer le mode vestimentaire aussi bien chez les filles que chez les garçons.

S’il fallait parler comme les philosophes de l’Inde, il faudrait dire que le «  voile de Maya » se déchire et que nous nous dirigeons lentement mais sûrement vers un nouveau monde, vers un nouveau Sénégal, vers un nouveau Mali, vers un nouveau Niger.

Voilà pourquoi l’analyse de la pyramide des âges qui permet d’adapter les discours (en politique notamment) est devenue importante ; la jeunesse s’est forgée de nouveaux codes, elle pense vite et elle a anéanti complètement les « frontières terrestres ».

Elle est là où elle décide d’être à l’instant où elle le décide. La force qui lui permet de se mouvoir aussi vite est « force digitale ».

Nous parlons beaucoup d’économie numérique, de banque digitale mais il y a la «  conscience digitale » et la «  force digitale » qui abolit toutes les frontières.

Cette force digitale renversera tout son passage comme un ouragan…

Les «  trois jours qui ont ébranlé le Sénégal » ont illustré ce phénomène.

Resocialiser ?

Les batailles du futur mettront l’accent moins sur les programmes (projection) que sur l’idéologie au sens de capacité à imaginer les raisons d’une symbolique du passé quand l’individu en deuil de son idéal s’éloigne d’une société dans laquelle il faut pourtant le réintégrer. Certes, la société produit parfois ses propres monstres, certainement pour mieux tester la solidité des relations sociales, mais pêche aussi parfois dans la communication-socialisation, c’est-à-dire dans sa capacité à faire rêver, c’est-à-dire savoir dire ou “faire savoir”. Au-delà du “faire”.
D’où la nécessité d’un nouveau discours.

Rebâtir le Sénégal

La crise du Coronavirus a comme principal enseignement que le Sénégal et l’humanité sont prisonniers d’un déficit d’information fiable et crédible et il n’est possible de parler que pour inviter de passer à l’unique, selon la devise américaine : unité du monde, unité de la science, unicité du vaccin ; nous sommes dans l’obligation de construire un monde et non des mondes, une science et non des sciences, un vaccin et non des vaccins. Voilà le discours qu’il faut désormais tenir. Le discours politique finit par saturer les esprits et les consciences… lorsqu’il n’est porteur d’aucun grand projet très simple tournant à un monde nouveau, une solidarité nouvelle. De Marcus Garvey à Nkrumah, Mandela​ et Wade, l’unité africaine est devenue la risée des politiques : faudrait-il la concevoir l’unité africaine à l’intérieur de chaque Etat ?

« Nous avons besoin de nouveaux hommes… ». Et de nouvelles femmes bien évidemment… Mais aussi de nouvelles idées.

L’évolution de la densité morale de ces trente dernières années a échappé aux acteurs politiques et à leurs officines. Tine (1997) passe ainsi du multiple à l’un et vice-versa dans son “Essai sur le multipartisme au Sénégal (1974-1996), et s’interroge sur ce qui semble être un jeu de dupes entre politiques et populations civiles. Au surplus, les restrictions imposées dès 1960 au nom d’une unité à retrouver renseignaient déjà sur la volonté de puissance des régnants et des heurts inévitables qu’il fallait préparer avec les populations. Elles profiteront des moindres ouvertures pour dénoncer un pouvoirisme contre lequel elles se promettent de lutter. Le pluralisme allait leur donner cette opportunité…qui ne semble pas réfléchie dans sa conclusion.

Depuis le début des années 80 en effet, un doute semble s’être saisi de l’électeur qui ne fait plus totalement confiance à ses élus. Le même phénomène avait été observé sous Abdou Diouf entre 1988 et 1993 avec un effritement considérable de son pourcentage acquis (73,20 contre 58 pour cent) ; l’union autour de Me Wade explique peut-être l’érosion de ce score, puisque une pluie de candidatures a vu le jour en 1993. Toujours est-il que le Vent d’Est, la Chute du Mur de Berlin, les foires d’empoignades démocratiques nouvelles (tables rondes nationales) accélèreront le sentiment de liberté de l’électeur revenu de ses hantises antérieures mais pas pour autant rassuré quant à son nouveau devenir démocratique. Pas rasséréné, donc dubitatif dans ses choix, mais désireux d’en découdre avec ceux qui prétendent chercher son bonheur après l’avoir maintenu pendant longtemps dans la caverne platonicienne.

Ce doute est renforcé par une nouvelle redéfinition internationale de la démocratie depuis les attentats du 11 septembre 2002 aux États-Unis ; cette nouvelle vision n’est pas loin de celle issue de la Baule de François Mitterrand, du Vent d’Est avec un Gorbatchev transformé en dieu Éole et de ses conséquences de la chute du Mur de Berlin.

Cycles de vie politique

Pour mieux comprendre les « cycles de vie politique » de nos hommes politiques, nous devrions pouvoir tracer le « cycle de vie politique » des principaux hommes et femmes politiques de ce pays.

Les principales étapes du cycle se déclinent comme suit :

  1. entrée en activité politique = début du cycle
  2. les principaux événements qui se produisent dans le cycle (y compris les transferts politiques car la transhumance n’est pas un concept politique)
  3. l’étape actuelle du cycle qui permettra de déterminer la « durée du cycle » en années
  4. la fin du cycle lorsque celle-ci est repérable dans le temps.

En choisissant vingt hommes politiques et en comparant leurs cycles de vie politique, il sera facile de comprendre que les cycles des hommes politiques en Afrique (en France également) sont anormalement longs…

La théorie bien connue en marketing dite du « renouvellement des produits » appliquée à la vie politique devrait confirmer que le renouvellement du personnel politique devient urgent…
Il est vrai cependant que la pyramide des âges des partis politiques ne confirme pas cette thèse car la moyenne d’âge des principaux dirigeants est plutôt basse…Nous oublions en général d’associer aux hommes politiques leurs visions (politique, sociale et économique). Certains d’entre eux ne sont porteurs d’aucune vision mais ils sont toujours sur la scène politique… Il est vrai que les élections sont des moments de grande respiration (et d’affirmation) démocratique et de visibilité sur la scène politique (nous les voyons occuper la scène politique). Les électeurs devraient pouvoir être plus exigeants envers le personnel politique et lui réclamer plus…

Viendra ensuite le jour où la question du choix du régime politique sera abordée (elle n’est pas encore clairement abordée et discutée).
Nous faisons encore de nombreuses fixations sur nos hommes politiques et ils croient tous à leur destin présidentiel…

La gestion de la pandémie que nous vivons nous permet de mieux comprendre que le pouvoir, quel qu’il soit, ne saurait être laissé entre les mains d’une poignée d’hommes… Le Forum civil vient d’en administrer la preuve en décidant de créer une « Task Force » qui proposera des solutions et qui se donnera peut-être les moyens de les mettre en œuvre.

La ” science ” qui définit le cycle des hommes politiques demande beaucoup d’études basées sur des réalités à travers l’histoire des peuples dans le monde. Sur ce plan, les sociologues et historiens occupent une place prépondérante, pour sûr…

La question est simple : l’âge est-il forcément plus approprié que l’expérience en politique ?

Inversons la question : que deviennent par rapport à ce renouvellement du personnel politique les cas de Nelson Mandela, de Diop Decroix.. ou de Wade faiseur de rois ? Les jeunes (Sonko, Dias…et semblables) seront-ils forcément plus patriotes, plus rigoureux dans la gestion de notre patrimoine commun…etc ?

Oui : les exemples sont nombreux qui démontrent que « l’âge du capitaine » a joué plutôt favorablement ; mais « l’exception confirme la règle ». Le discours politique, surtout lorsqu’il n’est porteur d’aucun grand projet, finit par saturer les esprits et les consciences…

Les hommes politiques doivent donc renouveler leur discours et comprendre que le monde d’avant ne peut plus être une référence dans plusieurs domaines ; le développement des sciences et des techniques a révolutionné aussi bien les économies que les consciences. Il faut apprendre à connaître le monde d’aujourd’hui avec ses exigences et à dessiner le monde de demain en partant de la projection de nos rêves : le président Abdoulaye Wade a cru à l’unité de l’Afrique le président Mandela également. Dans la pratique, l’unité de l’Afrique tarde encore à se réaliser.
Les plus jeunes qui se sont lancés avec passion dans la politique tiennent un discours politique (économique également) à l’intérieur des frontières…Il faut recommencer à réfléchir à l’élaboration d’un plan pour l’Afrique.

Les États Unis sont composés de cinquante Etats. Ils sont arrivés avec armes et bagages à l’Est et ils ont progressé à travers les siècles vers l’Ouest. Cette histoire est connue.Notre mission consiste à faire entrer l’Afrique dans les programmes politiques et économiques (culturels également) des « jeunes dirigeants » si tant est que nous acceptions leur gestion solitaire du pouvoir…

” Quel discours politique pour le monde d’aujourd’hui ” ?

Dans la vie, il faut faire des efforts en tout et sur tout ! Répondre de façon classique nous semble souvent facile. Mais donner une dose de perspective en ce qu’on dit semble toujours plus progressiste, plus aider à aller de l’avant dans la quête d’un échange fécond…

A cette étape dans la marche de notre pays, nous avons besoin de nouveaux hommes, de nouvelles femmes dans la compétition, sur la base d’un nouveau paradigme national, de règles drastiques pour la performance politique. Nous ne pouvons plus accepter ce même “zoo” politique que l’on a observé avec lassitude toutes ces dernières années, en nous abritant finalement, nous-mêmes, dans des cages grillagées pour nous protéger maintenant de leurs coups de folie intempestifs. Quand même !!! Les gens devraient déjà percevoir qu’il nous faut ce nouvel élan national face aux enjeux cruciaux locaux et mondiaux.

Les pressés les plus virulents sont ceux qui certainement n’ont pas pu engranger quoi que ce soit quand leurs amis étaient aux affaires. Il y a des Sénégalais plus capables. Ils n’ont qu’à plonger dans l’arène.

Là aussi, l’arène n’est pas bien organisée. Les médias y ont un rôle de premier plan à jouer pour leur peuple. Ils se cantonnent d’être leurs rings où ils s’échangent que des coups sous la ceinture. Cela fait vendre et attire de l’audience. C’est tout simple.

Ce sont des changements radicaux de tous ces paradigmes qui nous permettront de faire face dans un monde de plus en plus concurrentiel. Leur manière de faire de la politique nous a fait perdre plus de 60 ans dans ce yo-yo …

Les intellectuels engagés ont tourné le dos au ring politique et ont laissé les partis à ceux qu’ils ne cessent de critiquer aujourd’hui. Ils ont créé le problème et sont aussi le problème. Qu’ils descendent courageusement collecter les suffrages de leurs concitoyens pour gouverner comme ils le suggèrent. Autrement, c’est de l’incantation ou de la névrose.

Sans verser dans l’élitisme arrogant, comptons les intellectuels dignes de ce nom dans la majorité présidentielle et dans l’opposition réunies. De langue française, arabe ou langues nationales confondues On se rendrait compte du désert intellectuel de l’arène politique. Pas étonnant donc qu’on en soit à ce niveau de trivialité désespérant et dangereux.

« Que faire ? », disait l’autre. Voilà la question pour laquelle des réponses pratiques tardent à être pertinemment formulées.

Ce serait bien que tous aillent collecter les suffrages de leurs concitoyens lors des élections locales qui sont un vrai baromètre de test pour chacun d’entre eux.
Un politicien se doit d’avoir une base représentative et une identité.

Autrement, plus on fait le buzz, plus on est invité sur les plateaux de tv et moins le niveau est élevé et le jeu faussé.