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La restructuration des partis politiques: Une réforme constitutionnelle est plus que nécessaire Par Habib KA, Chef du bureau régional de Matam, Thilogne

Les élections locales et législatives remettent à l’ordre du jour la sempiternelle et pertinente question de la rationalisation des partis politiques, surtout pour ceux qui sont dépourvus de base, tant ils sont nombreux et l’organisation d’un scrutin avec ce pléthore de candidats, pas vraiment facile. Plus de 300 partis pour 6,5 millions d’inscrits ! Une réforme constitutionnelle est plus que nécessaire pour filtrer et rationaliser les partis politiques.

Le parrainage s’impose même si l’opposition le rejette parce que selon elle, c’est un moyen pour le pouvoir de barrer la route à certaines formations.

Le relèvement substantiel du coût de création d’un nouveau parti, ou encore le remboursement des frais électoraux à partir d’un certain seuil de représentativité, et d’autres mesures sélectives pourraient décourager les groupuscules aventuriers souvent qualifiés de partis yobaaléma.
L’assainissement et la restructuration de l’espace politique est à ce prix.

Plus de 300 partis et mouvements politiques enregistrés pour un fichier électoral de 6,5 millions d’inscrits, l’administration sénégalaise a tout le mal du monde pour organiser un scrutin rationnel. Cette profusion fait désordre. Une réforme constitutionnelle est plus que nécessaire pour assainir l’espace politique ; surtout que les partis lilliputiens qui peinent à engranger 2% des suffrages constituent le gros bataillon.
C’est ce privilège indu accordé aux partis cabines téléphoniques qu’il faut réviser pour rééquilibrer le système, tout en le rendant performant.

Formalités trop faciles

C’est qu’au Sénégal, les formalités administratives pour créer, déclarer, faire enregistrer un parti sont trop simplifiées. Les partis étant assimilés à des associations, répondant donc du code des obligations civiles et commerciales, tous les particuliers peuvent en créer à volonté. Il suffit en effet, pour eux, de déposer un procès-verbal de l’acte fondateur, un exemplaire des statuts et règlement intérieur, une liste des personnes morales, un timbre fiscal de 2.000 francs pour l’enregistrement et le tour est joué. Le reste ? La réception du récépissé, une simple affaire de formalité.

C’est pourquoi on constate ces deux dernières décennies une multitude de micro-partis, non seulement sans rémanence dans la société mais aussi en violation flagrante des lois et règlements du pays : pas de bilan d’assemblée générale, pas de permanence adéquate ni des structures fonctionnelles qui tiennent régulièrement des activités. Le tout se passe et est réduit aux simples discussions dans des groupes WhatsApp spécialement dédiés à cet effet.

Se pose un problème de représentativité de ces “portillons”, surtout qu’ils font trop de bruit, squattent l’espace public à travers les médias, plateaux de télévision, ondes des radios, journaux, faussant complètement le jeu démocratique. La preuve : parmi eux, ceux qui peuvent franchir l’épreuve de handicap de 1%, soit 65.000 militants se comptent sur les doigts d’une seule main.
Les faits sont là, saillants. En exemple, les toutes dernières élections locales du 29 juin 2014 : 2.700 listes enregistrées, un scrutin pléthorique où il est très difficile pour un électorat à majorité analphabète de retrouver la tête de son leader dans une brousse de bouilles de candidats assorties de couleurs, de sigles, de slogans multiples, nonobstant le coût financier exorbitant de cette consultation électorale.

En effet avec le système de parrainage mis sur place pour filtrer les candidatures à l’élection présidentielle de 2019, seuls 5 sur 19 prétendants ont réussi la prouesse de récolter 100.000 signatures dont 500 dans 6 régions du Sénégal, tel que l’exige la loi sur le parrainage issue du référendum constitutionnel de 2016.

Boom des partis pour des motifs opportunistes

Leurs créations sont sur mesure, des calculs politiciens de leurs leaders, en fonction du mercato du calendrier électoral, principalement pour des prébendes ou rentes financières. Ils se préparent en effet d’aller négocier, par voie de contournement, avec le camp présidentiel, pour des strapontins et autres stations rémunératrices de gros sous et avantages prestigieux. Des Groupements d’Intérêt économique (GIE) qui ne disent pas leur nom, pour une ascension sociale.

Une technique propre au parti au pouvoir pour encourager la scission puis la transhumance et ainsi, diviser pour affaiblir l’opposition.

La raison de création de ces petits partis ou mouvements peut être trouvée, pour d’anciens ministres mouillés dans des affaires du temps de leur gestion : une armature contre le pouvoir et ses représailles. Faudrait-il alors regretter la limitation des courants de pensées à 4 sous Léopold Léopold Sédar Senghor (socialiste, libéral, conservateur, marxiste) le multipartisme contrôlé d’abord puis intégral ensuite sous Abdou Diouf avec 44 partis, puis l’explosion sous le régime libéral du président Abdoulaye Wade ? Certes, Macky Sall a remporté la palme avec plus de 300 partis sous sa gouvernance ; toutefois, le phénomène est récurrent dans tous les pays démocratiques du monde, en Europe, comme en Afrique. Ce qui est par contre à déplorer, c’est que le pluralisme politique au Sénégal pose plus de problèmes aux citoyens qu’il n’en résout pour eux : l’occupation de l’espace médiatique, le jeu trouble des politiciens, les scissions, les transhumances ne sont pas de nature à donner aux populations des solutions à leurs préoccupations immédiates, leur demande insistante pour l’amélioration de leurs conditions, la défense et la préservation de leurs intérêts, pas convenablement pris en compte par les acteurs politiques, plutôt intéressés par leurs agendas personnels dont le plus urgent présentement sont les élections locales du 23 janvier 2022.

Le parrainage et d’autres mesures restrictives comme solution

La vocation première de tout parti politique est de concourir au suffrage des électeurs et d’aspirer à conquérir le pouvoir et à l’exercer. C’est pourquoi donc il doit être continuellement soumis aux contraintes de l’action militante pour son efficacité, sa viabilité, sa raison même d’exister.

Plus de 300 partis politiques enregistrés pour 6,5 millions d’inscrits et seulement moins d’une dizaine parmi eux qui peuvent maintenir un peu la tête hors de l’eau est un paradoxe qu’il faut corriger. Et c’est ce privilège indûment affecté aux petits partis qu’il faut réformer en plaçant la barre un peu plus haut et en prévoyant, par exemple, une loi qui interdirait de vie légale ceux qui ne pourraient pas remplir un minimum de conditions basiques ; des partis dont les leaders, souvent généralement des personnalités très fortes, capables d’endiguer des négociations ou de fourvoyer des coalitions et sur le terrain de la mobilisation, se révèlent être des minets.

Les leaders des partis et mouvements tenus à une certaine rigueur de respect des normes d’organisation et de gestion de leur outil, comme le sont les sociétés privées vis-à-vis du fisc par exemple.