GMT Pile à l'heure

La Ligne du Devoir

La frontière des régimes et des mots P. MBODJE

À son niveau de responsabilité, Boubacar Sèye de « Horizon sans frontières » ne devrait avoir que des certitudes, des réponses ; toute interrogation renvoie à des doutes, à des questionnements, à une distanciation sociale vis-à-vis d’une source première remise implicitement en cause.

Sa demande d’évaluation des fonds dégagés depuis 2016 par l’Union européenne pour stopper l’émigration clandestine lui a valu une arrestation et une mise en détention provisoire. Elle est difficile à classer sur le plan juridique, quand le pouvoir parle de « diffusion de fausses nouvelles », allusive elle-même à la diffamation : Sèye eût été mieux inspiré en remontant dans le temps d’un régime continu et non limité, comme le fit Aminata Touré Mimi dans une tentative d’évaluation du Conseil économique et social sénégalais limité à la vie de l’ancienne Premier ministre à la tête de l’institution.

La coopération entre l’Union européenne et le Sénégal, en l’espèce, est antérieure au régime de Macky Sall implicitement visé par la demande de président de « Horizon sans frontières » ; elle date en fait de 2004-2006 avec la création d’une agence européenne de garde-frontière « Frontex, pour aider les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen à protéger les frontières extérieures de l’espace de libre circulation de l’UE ». La coopération avec le Sénégal date de ces années 2006 avec l’arrivée de plus en plus massive de migrants en Europe encore en construction à partir de 2002.

2016 est un autre moment de l’existence de Frontex avec un mandat élargi et renforcé : la coopération avec les autorités de certaines zones d’émigration avait été effective avec la surveillance maritime et aérienne des côtes sénégalaises sous le régime de Me Wade, par exemple.

En limitant sa demande à la seule période vécue par le régime en place, Boubacar Sèye devient allusif et tombe sous le coup du libelle diffamatoire, même si la notion juridique s’arrête à la « publication dans un journal, une publication en ligne, sur les médias sociaux, ou toute autre publication écrite, de mots qui ont pour but de nuire à la réputation d’une personne en propageant des propos non fondés à son égard.(cliquezjustice.ca/node/748) ; le recours à la nation de « diffusion de fausses nouvelles » n’absout par le gouvernement sénégalais en l’espèce si « en droit français, la diffusion de fausse nouvelle est une infraction pénale consistant à publier, diffuser ou reproduire, par n’importe quel moyen, des informations fausses, des pièces fabriquées, falsifiées voire mensongères et basées sur la mauvaise foi, du moment que celles-ci ont été reconnues comme de nature à troubler l’ordre public –Wikipédia). La même source précise que « la diffamation est un concept juridique désignant le fait de tenir des propos portant atteinte à l’honneur d’une personne physique ou morale. Dans certains pays, il ne peut y avoir de diffamation que si l’accusation s’appuie sur des contrevérités. Ce type d’infraction existe depuis le droit romain.

La bataille normée des défenseurs des droits de la personne humaine et de la société civile est de principe, la faute de Boubacar Sèye relevant plus de l’irresponsabilité que de ces faits sanctionnés par le droit positif sénégalais.

[sdm_download id=”4009″ fancy=”0″]