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La chute de l’aigle: « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre et prend ta place » P. MBODJE

Macky Sall est peut-être en train de précipiter une nouvelle alternance : la nature a horreur du vide

La chute de l’aigle n’est pas le signe de la disparition de la race : comme dans la chanson révolutionnaire, « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre et prend ta place ». Ceci a donné Macky Sall en 2012, à la surprise générale, dont les populations, souveraines devant Dieu, avaient fait leur héros, devant la hargne du régime sortant.

La liquidation de Ousmane Sonko, de Karim Meïssa Wade et de Ababacar Khalifa Sall de la course de 2024 ne saurait alors signifier la fin d’une opposition, même réduite à sa plus simple expression : un pouvoir discrédité est la meilleure courroie pour l’émergence d’une aube nouvelle, même peine de surprises et de désagréments, comme c’est souvent le cas avec la démocratie sénégalaise depuis 2000.

Mais Macky Sall n’aura pas finalement été le seul tombeur de ces messieurs : en Droit comme en esthétique et en morale, selon la déontologie et l’éthique sociales, la reddition est une exigence morale, un passage obligé, surtout pour le cas de Karim Meïssa Wade dont l’arrogance n’avait d’égal que les libertés outrancières du régime de l’Alternance ; Khalifa Sall a perdu moins par une caisse d’avance dont tout le monde avait généreusement bénéficié que pour avoir manqué  au protocole d’Etat avec un pouvoir qu’il a pourtant appris de l’intérieur, très tôt pour avoir milité depuis ses dix ans, pour avoir vécu intensément une société sénégalaise en transition vers la démocratie, pour avoir géré les crises des années de braise, surtout universitaire avec Zoulu. Il a plus cru au protocole de Paris de juillet 2012 au terme duquel le Parti socialiste devrait essayer de revenir au pouvoir après avoir loyalement accompagné Macky Sall.

Le système démocratique sénégalais de mutualisation des efforts entre deux tours entraîne cependant une coalition néfaste à l’expression de la volonté du peuple quand le vainqueur ramène les vaincus dans ses valises : l’opposition se retrouve ainsi au pouvoir, avec ou sans pouvoir, mais avec une ardeur émoussée par les lambris du palais et les quotas.

Venu avec les lanceurs d’alerte, Ousmane Sonko a épousé sa société en crise entre Abdoulaye Wade et Macky Sall : rêvant d’argent et de justice, les populations n’ont pas senti le piège de ceux qui ont tiré avantage d’une situation antérieure pour mieux la dénoncer : Abdou Mbaye, Thierno Alassane Sall et Ousmane Sonko l’ont démontré, Sonko prenant l’avantage de l’arbitraire avec sa radiation et de la nouveauté dans un océan de politiciens ; l’histoire se répétait au Sénégal de la victime que la société adopte depuis Djibo Kâ en passant par l’actuel président de la République et, à un degré moindre, le numéro II des formations politiques souvent jeté en pâture.

Surfant alors sur cette vague, après une radicalisation née avec l’histoire de Tahirou Ndiaye, Ousmane Sonko devient un espoir qui n’a pas su mesurer son niveau de responsabilité, la pénétration de son image dans une société jeune en dérive, en mal de vivre sur le plan de l’existence matérielle, spirituelle et morale.

Ousmane Sonko aura surtout entraîné Ababacar Khalifa Sall dans sa chute : la relation entre les deux hommes est avérée, surtout au lendemain de la Toussaint avec Idrissa Seck passé à l’ennemi avec fracas, lui que l’ancien maire de Dakar alors en prison avait soutenu à la Présidentielle de 2019 où le leader de Rewmi était en compétition avec le même Ousmane Sonko.

Aujourd’hui dans de sales draps, le chef de file de Pastef/les Patriotes entraîne Khalifa Sall, Malick Gakou et tous ses amis irrédentistes de l’opposition parlementaire solidaires de leur camarade, plus par atavisme que par conviction face à un ennemi commun, Macky Sall.

Sonko, Karim et Khalifa Sall victimes de dame justice, qui face à Macky Sall si l’envie lui prenait de prendre goût au pouvoir ? Car même si, par extraordinaire, Khalifa Sall était remis dans ses droits, ses relations avec le Patriote pourraient influer négativement sur le jugement de populations outrées par la légèreté des hommes politiques sénégalais. C’est ce que le Pds en pourparlers avancés avec le pouvoir a compris en rompant les amarres avec Sonko dès le 14 février, avec l’enterrement de première classe que Me Abdoulaye Wade a réservé à son encombrant allié qu’il a grillé sur toute la ligne.

Le Devoir