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La chronique de Pape Gorgui DIOP Gorguez: Trois mémorables interviews TV, au tout début des années 1980 en France, dignes d’être revisitées Pape Gorgui DIOP Gorguez

Mitterrand et Césaire impressionnent, Diouf sourit

Le président Mitterrand répondait à Anne Sinclair suite à un congrès très houleux du PS. Il troqua aussitôt sa casquette de chef de l’Etat contre celle d’un monsieur météo face à une Anne Sinclair captivée à l’extrême. “Voyez-vous Madame, il y’a beaucoup d’idées au PS pouvant provoquer des ouragans. Il est tout à fait normal que parfois des tuiles tombent”, dira-t-il, en référence à la diversité des courants de pensées propres à ce parti qui venait pour la première fois de faire basculer à gauche la France de la Vème République.

Les courants, sous la bannière d’un même parti véritablement démocratique, ont au moins l’avantage certain d’insuffler une dynamique résultant de confrontations d’idées, d’approches, de plateformes jusqu’à déboucher sur des axes programmatiques majoritairement adoptés.

 La comparaison terminologique entre courant et tendance,  le premier est garant d’une saine confrontation (re)dynamisante d’idées et de visions  ,alors que la tendance, comme cela se passe encore au Sénégal, est un clan  où les rivalités, par essence reposant plus sur des considérations d’ordre crypto-personnel que sur la base d’idées, de projets, de programmes concurrentiels, s’expriment généralement par des actes de violence entre militants la plupart rompus dans l’art instinctif des changements de camps communément appelés transhumance.

La brillante prestation de François Mitterrand fut donc un hymne à l’idée à la base de toutes les possibilités de dépassement de situations de crise qu’elle peut ainsi désamorcer vers des lendemains de retrouvailles heureuses autour de plans d’action consensuellement adoptés.

Pour Aimé Césaire, avec sa casquette de maire de Fort-de-France, en Martinique, fonction occupée de 1945 à 2001, la question tournait autour de : “Qu’est-ce qu’un poète-maire peut apporter à sa commune ?” Avec brio, il fit un parallélisme entre la poésie et l’aménagement d’infrastructures routières et autres ouvrages dont le souci constant de devoir préserver les équilibres écosystémiques est équivalent à produire des vers et des rimes !

Cette pertinence ne se retrouva pas chez Abdou Diouf à qui on présenta deux reportages axés l’un sur le long cycle de sécheresse dans les pays du Sahel dans les années 1970, l’autre dans ces mêmes pays une fois les pluies torrentielles revenues. Pour chaque reportage, l’accent fut mis sur la désolation catastrophique pour que le journaliste se fende enfin d’une question troublante en ces termes : “Monsieur le président, vous venez donc de visionner deux plans de reportage sur la sécheresse avec ses conséquences dramatiques et sur les inondations causées par les pluies diluviennes aux conséquences aussi dramatiques ! Finalement, qu’est-ce que l’Africain sait faire ? “Surpris par cette question à laquelle il ne s’attendait guère, comme du reste Mitterrand et Césaire face à leurs interlocuteurs, Diouf ne pouvait qu’esquisser un sourire malaisé en guise de réponse !

Cette question donc continue aujourd’hui d’avoir toute sa relevance : Qu’est-ce que nos dirigeants des pays du continent africain savent faire pour enfin propulser inexorablement l’Afrique vers un développement durable ?