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Indiscipline ou manque de repères Seydina Ababacar NGOM

Cela fait maintenant plus d’une décennie depuis que le comportement de la jeunesse sénégalaise est décrié à tout bord, à tort ou à raison.

Et pour toute situation, les acteurs en cause sont âgés entre 12 et 18 ans tout au plus, pour susciter autant de fuite de responsabilité de chaque partie.

Leurs enfants « sont inconscients de la gravité de leurs actions et prennent plus cela pour un jeu dans leur palette d’immaturité, de plaisir et/ou d’une réjouissance », « Suñu maage mu dëñ » selon certains parents.

Leurs élèves « sont mal éduqués à la maison, les parents ont démissionné de leur responsabilité au profit d’une quête effrénée d’aisance et de luxe, d’un avenir radieux » pour certains professeurs et enseignants.

« Les rigueurs et règlements au sein des établissements ne sont pas appliqués à leur niveau de recommandation afin de maintenir l’ordre » puisque l’Etat pense avoir déjà fait le nécessaire ; pire encore : « c’est plus les réseaux sociaux et les fréquentations qui motivent certains comportements ».

L’opinion publique pourtant les accuse tous, tous sauf elle-même.  Elle qui, chaque fois, au moindre souci, n’hésite pas à enfreindre certains interdits pour trouver gain à sa cause.

Dans notre vision des choses, le mal c’est l’autre, l’indiscipline nous est toujours étrangère tandis que nous nous considérons poli, bien éduqué et au summum de l’incorrigibilité ; or, nous n’en avons guère l’apanage.

Pourtant, nous avons eu les meilleurs parents, les meilleurs éducateurs et les meilleures références.

La question resterait de savoir si nous-mêmes étions des modèles et des repères disponibles à transmettre tout le legs reçu.

A l’affirmatif, l’avons-nous fait ?

La réalité est que ces auteurs de violences, saccages des établissements, kidnappings de professeurs, de manque de respect envers les aînés, etc. calquent leur comportement de nous tous.

Tous et de tout ! Prouvant ainsi que nous sommes unis et comme dans l’armée “Un déconne, tout le monde paye ».

Pendant que la violence verbale règne en maître dans notre quotidien, dans les foyers, sur les réseaux sociaux, les télévisions, dans la rue et pire encore, quand elle devient le thème comique le plus utilisé dans nos séries, à quoi devrons-nous nous attendre d’autre que de voir tout le vocabulaire complètement dénudé de respect, cordialité et de bienséance. Les termes « Nd** | Dl | Fe| Ñ*ss | Ñ*p, font maintenant partie intégrante de nos discussions. Nous les utilisons tous pour la plupart, pour rire sans prendre en compte les répercussions.

Dans les plus hautes sphères de cette Nation, la violence est devenue l’outil de revendication la plus commune, et même pas que ! Des querelles politiques incessantes donnant lieu à des scènes bon enfant, nous laissant nostalgiques de nos combats dans les « taax » après un match de « Gañ Saa Money » au cœur de nos instances publiques et étatiques.

Des discours haineux, menaçants et intimidants des dirigeants qui installent un climat d’oppression plutôt que d’inclusion, d’un règne de chef d’état major des armées plutôt que de celle d’un père de famille.

Découlant très souvent à des révoltes, pas moins sanguinaires au slogan « Seule la lutte libère » interprété et utilisé dans des contextes hors propos.

Alors que la perte des valeurs et des principes est à un débit que seuls les menaces, dépravation sociale et actes contre nature n’arrivent à égaler, nous, parents et familles, sommes tous abonnés absents.

A croire que pour la plupart nous n’avons pas encore mérité d’être de bons enfants avant que Dieu fasse de nous des parents. Ce qui est loin d’être vrai. En voyant nos enfants comme des trophées, des réalisations. Nous oublions simplement que ceux-ci sont des projets qui demandent un investissement.

Nous avons eu les meilleurs parents, pédagogues, posés et patients qui savaient quand utiliser le bâton et quand tendre la carotte.

Résultat : Nous réagissons au regard seulement.

A notre enfance, dans un quartier, tout le monde éduquait, tout le monde osait te frapper, t’interdire de sortie à certaines heures, avec le crédit de ta famille et leur réjouissance.

Aujourd’hui, faut juste essayer de regarder mal un petit devant ses parents.

NOUS NE LEUR RENDONS PAS LA MONNAIE DE LEUR PIECE

Nous ne nous sentons plus concernés en réalité.

Hélas, l’enseignement, l’éducation fut une passion, un métier de choix et non par défaut. Il n’y a qu’à voir comment les yeux de nos professeurs brillent quand ils nous voient des années après. Comment il se sentent fiers de dire qu’ils vous ont eu dans leur classe. Non pas parce que vous avez réussi mais juste parce qu’ils ont le sentiment d’avoir rempli fort bien leur part de responsabilité.

Aujourd’hui, la quête de revenus a fini de rendre ce bel emploi comme une bouée de sauvetage où les gens se lassent de veiller à la qualité, à la pédagogie et s’énervent à la simple dérive. Ou encore des prédateurs sexuels qui seront dès lors limités. Suffisant pour devenir des moqués au lieu d’être respectés et redoutés.

Nulle personne ici ne priait pour croiser son professeur au-delà des heures de cours pour les raisons que nous savons tous. Caractère !

Nous ne jouons pas notre rôle et nageons inversement dans l’individualisme et le « ce n’est pas mon enfant/frère » ou encore c’est déjà « un petit c*n irrécupérable ».

La réalité c’est que ce pays régresse et la population est en état de « choc » ;

Naomi Klein, dans son livre La Stratégie du choc, explique qu’un état de choc ne survient pas seulement après un drame mais également quand on perd nos repères, notre mémoire collective, ce qui nous a charpenté et nous permet de rester vigilants.

Le monde est un gros village, et dans celui-ci, quand la case du voisin brûle, la nôtre est en danger. Les barrières mythiques sur la violence, la sexualité ou autres sont détruites par la mondialisation et ensevelies par notre négligence. Je m’en limite là !

In fine, nous sommes tous responsables. État, opposition, professeurs, administration, parents, frères, amis, anciennes générations.

Si nous nous reconnaissons dans ces actes, taisons-nous ! Nous qui avons une fois saccagé des restaurants universitaires, insulté ou nous sommes battus avec un professeur, brûlé ou volé des registres de notes.

A défaut ou dans le regret, plus qu’une rétrospection, remettons-nous en question et revoyons ce qu’on leur transmet.