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Il était une fois… Un Pingouin, une Orange et des Sénégalais Chérifa Sadany Ibou Daba SOW

En dépit de la rude concurrence entre Wave, Orange money continue de dérouler son programme stratégique en procédant à de nouvelles baisses sur les tarifs pendant que Wave se fait une place dans le choix des consommateurs sénégalais. Dans cette affaire, l’avis de ces derniers est recueilli ainsi que celui du commissaire des enquêtes économiques, Mahfou Mahécor Diouf.

La Sonatel qui est la première grande entreprise au Sénégal a longtemps réussi à écarter ses concurrents du marché de la télécommunication. Aujourd’hui, précisément depuis octobre 2019, elle a sous les pieds Wave, un concurrent exalté par les Sénégalais qui le considèrent comme étant la nouvelle solution de transfert d’argent au Sénégal. Abdourahmane Bâ, jeune évoluant dans l’achat et la vente d’œuvres décoratives donne les raisons de son choix : « Je préfère utiliser Wave parce que déjà c’est affilié à une banque et d’autant plus les frais de transferts ne sont pas compliqués. Par contre Orange money peut du jour au lendemain avoir un bad système, en plus quelquefois, on a l’impression qu’il nous arnaque », martèle-t-il

Mamadou Sakho, étudiant, suit de très près la rude concurrence entre ces deux sociétés de transfert d’argent. Il confirme son choix mais reste sur ses gardes : « J’utilise Wave parce que c’est pour l’instant le service de transfert le moins cher. Maintenant je reste spectateur. Jusqu’où ira Wave pour la satisfaction des clients ? Car, quoi qu’on puisse dire, concurrencer Orange n’est pas aussi évident. C’est une grande entreprise avec une des méthodes de rebondissement très efficaces ».

L’avis des Sénégalais sur les pages Facebook d’Orange et Wave diffère. Là-bas, le débat est démocratique. Chacun est libre de darder avec la plus simple expression ses argumentations. Le client est roi, il a donc son mot à dire. « Après s’être enrichie scandaleusement sur le dos des consommateurs pendant des années », débute Daouda Dieng, « la société française France Telecom Orange, actionnaire majeure de la Société nationale de téléphonie, vient nous narguer avec ses fameuses baisses inutiles depuis l’arrivée en fanfare du redoutable concurrent américain qu’est Wave. Connaissant ses méthodes, il faut s’attendre à ce qu’il mette les bâtons dans les roues de Wave » termine-t-il.

Il partage le même point de vue que Stéphanie

« Nos chers amis de la Sonatel, vous avez beau communiquer mais les consommateurs ne sont plus dupes. L’inaccessibilité du service Orange coïncide étonnamment avec vos changements de tarifs pour Orange money. Quand nous faisons le point, vous abusez des consommateurs depuis longtemps. La roue tourne, vive la concurrence ».

Le pingouin se nourrit-il d’orange ?

En tout cas sur le logo de Wave, on le voit bien avec un bec et des pieds en couleur orange. Ironique ? Provocation, ou coïncidence ? … En marketing, l’intensité concurrentielle doit rester précise dans la manière de conquérir et de conserver les clients ainsi que la place occupée dans son esprit. Wave semble bien le comprendre et l’appliquer. D’où la question au-dessus et celles qui précèdent : Comment analyser la concurrence entre des deux sociétés de transfert d’argent Wave et Orange ? La société Orange n’est-elle pas en train de subir le “dictat” de Wave si l’on sait qu’elle la suit en baissant ses tarifs ? Sera-t-il facile de convaincre ceux qui ont déjà pris l’habitude de faire leurs opérations avec Wave ?

A ces trois questions a apporté réponse Mahfou Mahécor Diouf, commissaire aux enquêtes économiques. Selon lui, la concurrence est un puissant vecteur de développement des marchés et d’accès pérenne à de nombreux biens et services sociaux de base, tant elle apporte bien-être et participe également, par la démocratisation, à la croissance des investissements et des économies. C’est sous ce prisme qu’il faut selon lui comprendre les récents développements observés sur le marché du transfert de monnaie électronique au Sénégal.

« L’arrivée en effet de Wave a beaucoup bouleversé l’opérateur historique Orange avec l’accroissement exponentiel d’utilisateurs de la plateforme Wave et l’important détournement de trafic à son profit. Ce positionnement fulgurant explique la réaction d’Orange » analyse-t-il avant de reprendre que cette stratégie de réponse d’Orange à la forte concurrence apportée par Wave sur le marché de transfert de monnaie électronique met à nu trois réalités intangibles et caractérisées.

« Premièrement, la baisse des tarifs par Orange est une preuve manifeste de la conscience de l’entreprise du dynamisme et du renforcement de plus en plus important de l’opérateur Wave qui gagne de façon croissante des parts de marché sur le marché des transferts de monnaie électronique. Deuxièmement, les marges bénéficiaires réalisées par Orange restent encore exorbitantes sur le marché et se consolident de plus en plus en raison de la taille de l’entreprise et de son répertoire d’abonnés. Troisièmement, l’observation de la baisse décidée par Orange traduit une volonté manifeste de casser la dynamique de développement de l’entreprise Wave, de l’affaiblir ou encore de l’évincer, in fine, du marché. »

Ainsi, termine Mahfou Mahécor Diouf, « cette dernière perspective constitue un risque réel pour le consommateur d’une part, et pour l’économie d’autre part, de façon générale. Ce qui engage nécessairement la responsabilité des régulateurs pour défendre la concurrence sur le marché et protéger les intérêts des consommateurs et de l’économie face à certaines velléités de domination ou de monopolisation qui refusent toute forme d’amélioration des conditions de vie des populations et l’arrivée de potentiels opérateurs sur un marché pas encore atomique ».