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Hommage à Me Wade – Wade et la presse-La marotte de 1965: Impossible n’est pas Wade ! Par Charles Babacar SECK

Il croit à la perfectibilité de l’homme

Au début des années 1965-1966, je connaissais déjà l’homme, de réputation, alors que je faisais mes débuts dans la presse dans les colonnes du quotidien “Dakar Matin”. 1965-1966 accueillaient aussi la première promotion du Centre d’Études des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) rattaché à la faculté des Lettres de l’Université de Dakar dont je faisais partie des étudiants.

Mais mon premier contact direct avec le président Wade fut organisé par le regretté Elimane Babacar Faye, alors directeur de la publication “Dieuf Action” parce que, me disait-il, le président Wade devait me confier une étude secrète et sérieuse ; il s’agissait de la création d’un quotidien, le deuxième au Sénégal après “Le Soleil” d’où j’étais le chef du service “Secrétariat de Rédaction”. Nous étions au mois de juillet 1980.

Le 8 octobre 1980, je déposais sur le bureau de Maître Wade sis à la rue Thiong le “dossier” complet de l’étude de faisabilité du Quotidien qui s’appela plus tard…”Takusaan”. A l’époque, j’avais comme assistante pour la dactylographie Mme Gnagna Touré, actuelle députe-maire des Sicap.

Ainsi débuta ma collaboration avec le président Wade. Retenez cette anecdote : comme le regretté Elimane Babacar Faye et tant d’autres familiers de Me Wade, nous l’appelions spontanément…”Président !”.

Mais comme je le lui recommandais, un quotidien qui se respecte doit avoir son imprimerie. Deux ans durant, nous avons sauté d’une proposition à l’autre : IBM France avec son représentant à Dakar, la société “Graphitex” à Dakar, à l’époque sur l’actuelle avenue Léopold Sédar Senghor, pour l’achat de machines “compo-cartes IBM” qui devaient servir pour la saisie des textes avec des sphères pour les différents caractères d’imprimerie. J’avais même obtenu une invitation de M. Bompard, alors directeur de IBM Sénégal, pour aller voir comment le quotidien “Fraternité Matin” d’Abidjan (Côte d’Ivoire) travaillait avec les compo-cartes IBM pour faire son journal.

Nous avions aussi des propositions de “Lynotype France” et même des propositions d’achat de l’imprimerie “Imprimafric” qui se trouvait au rez-de-chaussée de l’immeuble de Me Doudou Ndoye, à la rue Raffenel X Faidherbe. J’avais fait l’inventaire du matériel de l’imprimerie et de la composition de son personnel pour leur continuité avec l’équipe de notre quotidien Takusaan.

C’est après ce travail qu’une visite fut organisée avec le président Wade dans les locaux de cet immeuble du n° 18 de la rue Raffenel en présence de Me Doudou Ndoye qui était encore militant du Parti Démocratique Sénégalais. Le clou et la surprise cette visite furent la remise des clés de l’immeuble au président Wade par le propriétaire même, Me Doudou Ndoye, pour les besoins de la cause ; car, en plus du quotidien Takusaan, Son Excellence avait dans ses “cartons” la création de l’Institut sénégalais d’Education pour la Formation et l’Information (ISEFI). Le siège fut établi là.

J’ai eu le privilège d’appartenir aux membres-fondateurs et créateurs de la revue bimestrielle d’éducation civique et d’information “Le Citoyen” de l’ISEFI en compagnie du président Wade dont le premier numéro est paru en novembre 1981 sous les presses des Nouvelles imprimeries du Sénégal (NIS) à Hann.

Revenons au projet “Takusaan”.

Ce n’est qu’en janvier 1983 que tous les moyens de démarrer un quotidien paraissant deux fois par semaine furent réunis ; il fallait maintenant penser au recrutement. Rien n’a été facile : la lettre du directeur du quotidien national “Le Soleil”, à l’époque Bara Diouf, en est une illustration. Nous la devons à Moustapha Touré.

C’est en février 1983 que naquit le numéro 00 de Takusaan dont le fac-similé est joint, avec une lettre de l’éditeur sous la signature du président Wade pour les “promoteurs”

Pour le président Wade, Takusaan devait être ce qu’en feront les journalistes qui accepteront, sans contrôle, de se mettre au service de l’information, des populations africaines qui ont soif d’être informées et bien informées, pour progresser sur la voie de la liberté et de la démocratie. Il fallait donc se réarmer pour relever le défi.

Pour illustrer l’engagement du président Wade pour la liberté de la presse, nous reprenons ces quelques lignes qu’il a écrites dans l’éditorial du supplément du “Démocrate”, organe du PDS, dans le numéro 27 daté de novembre-décembre 1979 : “Une certaine presse étrangère s’évertue à donner des leçons de démocratie au Sénégal. Devant cette attitude aussi paradoxale qu’injuste, il convient de faire les mises au point qui s’imposent. Bien entendu, si l’étranger s’est fourvoyé au point de mettre en cause notre contribution, c’est parce que certains Sénégalais, incapables de convaincre leurs compatriotes, ont préféré porter leur querelle à l’extérieur ; car il s’agit là d’un terrain facile où n’importe quelle cause peut trouver défenseur”. C’est le moment de saluer et de faire nos compliments à l’homme qui a été à l’origine de l’émergence d’une presse libre, privée, audacieuse ; nous savons, en tant que témoin, que les premiers promoteurs de quotidiens privés au Sénégal peuvent en attester. Sans démagogie, le président Wade est de cette race des grandes personnalités de la Nation qui ont façonné le développement harmonieux de la presse dans la conscientisation des citoyens et l’éducation des masses. Il est de cette race de maîtres à penser dont l’admiration est à la dimension des responsabilités qu’il assume : infatigable, il croit à la perfectibilité de l’homme jusqu’au plus haut sommet, dans tous les domaines ; s’il a réussi son programme de vie, c’est parce que rien n’est impossible. Comme nous l’avons dit plus, impossible n’est pas Wade. Nous allons revisiter l’histoire avec son passage à l’émission de Demba Dieng de la RTS des années 80 : “Confidences autour d’un micro”. Ce soir-là du 8 août 1983, le président Wade nous disait : “Autant je suis attaché à la démocratie, autant je suis attaché à la presse, à l’information ; des combats du Tiers-Monde, je considère que le plus important, c’est la liberté de la presse”. Nostalgique, le président rappelle : “J’avais créé à l’école normale “William Ponty” une publication du nom de “À l’Ombre du Baobab” ; j’ai aussi collaboré avec Obèye Diop (directeur de publication de “L’Obervateur”, Ndlr)”. Déjà en 1983, le président Wade avait dans ses cartons le projet d’implantation d’une radio libre à Thiès et à Kébémer ; mais il fallait résoudre le problème juridique avec les autorités d’alors et là résidait l’obstacle. Dans les années 80, l’expression “radio libre” était de rigueur. L’idée d’un “Télévision Sopi” était aussi déjà mûre. Pour le président Wade, un homme doit avoir une ambition ; ce qu’il faut éviter, c’est la prétention parce que c’est une disproportion entre les ambitions et les moyens. A côté de l’homme politique, l’homme d’Etat, nous avons l’économiste, le scientifique de renommée mondiale, l’agrégé et l’académicien. Avec une conscience de  l’humanité et de la morale universelle qui fait la dignité de l’homme intègre et loyal devant son prochain.

Le président Wade a le don du pardon inégalé que renforce cette magnanimité d’un homme libre, d’une liberté de conscience totale et absolue.