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Gestion des partis politiques: Peut-on s’opposer aux desiderata des leaders ? Par Charles SENGHOR

Les militants des partis politiques sont souvent obligés de suivre les décisions unilatérales de leurs leaders. Ils sont ignorés dans les discussions de prise de décisions pour la bonne et simple raison que ces formations politiques sont à la solde des leaders-bailleurs.

Le dimanche 1er octobre 2020, Yancoba Seydi, directeur de l’école du parti Rewmi, par ailleurs responsable des relations extérieures dudit parti, soutenait mordicus : «Pour ce concerne le parti Rewmi dont je suis membre de la direction, je n’ai pas eu vent venant du patron du parti d’un échange qui a pour ordre du jour la probable entrée de Rewmi dans le gouvernement. C’est pourquoi, ce n’est que des spéculations pour moi. S’il y a des gens de Rewmi dans le nouveau gouvernement, ils n’ont pas été mandatés par le parti, ils l’ont été parce qu’ils l’ont voulu ».

En sortant ces mots de sa bouche, sur Rfm, il était certain de ce qu’il avançait. Mais avec ce qui s’est réalisé, il devrait se rendre compte que dans la vie, particulièrement en politique, rien n’est moins sûr. Les chefs discutent toujours à des lieux et niveaux insoupçonnés.

Prendre la garantie de parler au nom du parti et de son chef parce qu’on est membre de la direction, tout en avançant avec assurance, même quand on est en charge des relations extérieures et directeur de l’école du parti (Rewmi), réserve souvent des surprises.

Tout comme contrairement au souhait du président Macky Sall de « recruter » le Grand Parti, le député Malick Guèye avait soutenu que « la majorité de son Parti s’est opposée à cette proposition ». Il se fera rabattre le caquet. Le 5 octobre 2020, avec ses camarades députés, ils ont renouvelé « leur confiance totale et entière dans sa mission de conduire et d’orienter le Grand parti dans la perspective de réunir les conditions pour un meilleur devenir de la Nation sénégalaise… ». «  L’unité du parti derrière Malick Gakou devra être le seul socle sur lequel devra reposer notre ambition de conquérir le pouvoir et de défendre les intérêts supérieurs du peuple sénégalais », ont-ils ajouté.

Certains hommes politiques devraient apprendre à travers ces exemples que la politique même « moralisée » est très loin d’être une science exacte. Babacar Gaye avait aussi parlé péremptoirement du retour de Karim Wade. «Karim Wade sera au Sénégal dans le dernier trimestre qui nous séparera des Législatives du 30 juillet prochain. Et si Karim Wade ne rentrait pas à cette date, j’en prendrais acte», avait lancé, Babacar Gaye, alors porte-parole du Pds en 2017 sur Rfm. Ses  certitudes ont fait de lui la risée d’une certaine opinion. Il reconnaitra son erreur dans cet engagement à parler de quelque chose (retour de Karim “exilé” à Doha, au Qatar) dont il n’avait la moindre certitude.

En Afrique, conformément, au dicton « qui paie commande », nous devons nous rendre à l’évidence que les partis politiques sont des propriétés « privées », totalement à la charge de leurs fondateurs et bailleurs.

Démocratie interne

Avec un tel schéma, peut-on parler d’une démocratie interne? Le chef politique qui n’est certainement pas un philanthrope, qui a décidé de sortir ses biens pour investir le champ politique, pas toujours pour conquérir le pouvoir mais pour sauter sur la moindre parcelle de pouvoir, peut-il se laisser guider par des gens dont il se soucie tous les jours à régler les préoccupations quotidiennes ?

Soyons logiques et réalistes. Tant qu’on pensera  que le chef de parti doit s’occuper de nos soucis au quotidien, financer toutes les activités de la marche du parti, il fera de son parti évidemment ce qu’il veut. N’en déplaise aux puristes qui ont décidé de s’aliéner avec eux.

En laissant leurs leaders prendre totalement en charge, matériellement et financièrement parlant, les partis politiques encourent le risque de se laisser dicter des lois, même impopulaires.

S’affranchir de ces genres de partis « dictateurs », c’est se battre, pour participer à la marche du parti. Sinon bonjour les dégâts du suivisme ou alors de la création de nouvelles entités politiques qui risquent de prendre les mêmes contours. Le Gp est issu des entrailles de l’Alliance des forces de progrès (Afp), tout comme Rewmi vient du Pds. Sans changer de cap dans le management.