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Gestion de l’après crise : Comment Macky compte rester maître…du jeu Par Mame Gor NGOM, Rédaction centrale, Le Devoir

Si la rue a bougé, c’est à cause des difficultés que rencontrent les jeunes au quotidien. Cet argumentaire du régime permet de déplacer le curseur et “ignorer” les autres revendications comme une “justice juste”,  le respect de la souveraineté du peuple et des sanctions contre les autorités qui ont failli.  Macky Sall veut reprendre la main. Sans perdre la face.

Macky Sall s’est déjà fait une religion sur les événements violents de février, mars 2021. Du moins explicitement. Dans son discours du 8 mars à la suite des manifestations, des blessés et des morts, il avait mis l’accent sur les préoccupations des jeunes, leurs difficultés, leur spleen lié au manque d’emplois. Autant d’éléments qui, à ses yeux, ont concouru à cette débauche d’énergie dans les rues de Dakar et dans d’autres localités du pays pour déverser leur colère.

Le président de la République avait ainsi pris le contre-pied de son ministre de l’Intérieur qui indexait des “terroristes”, de son ministre des Affaires étrangères qui dénonçait des “forces occultes venues de l’étranger” et de celui de la Justice, qui de manière caricaturale, faisait état de “l’oisiveté des lutteurs” impactés par la fermeture des arènes due à la pandémie du coronavirus.

En mettant l’accent sur les défis de l’emploi des jeunes, Sall a choisi sa direction pour une solution moins conflictuelle et surtout pour ne pas perdre la face devant des oppositions qui ont fortement contesté sa gouvernance, notamment une “manipulation de l’institution judiciaire” pour barrer la route à des adversaires. Il n’a pas voulu apparemment céder à la pression…de la rue, particulièrement d’Ousmane Sonko exigeant ici et maintenant la libération des “prisonniers politiques”. Dès lors, la médiation de Touba est venue au bon moment. Non seulement, elle a empêché une “seconde vague” de tous les dangers mais elle a permis un “retour au calme” confirmé par la libération des activistes comme Guy Marius Sagna, Assane Diouf et Clédor Sène sont parmi les plus remarqués. Sans oublier l’administrateur du Pastef Biram Soulèye Diop arrêté aux premières heures des mouvements d’humeur.

Pourquoi il peine à sanctionner

En décidant de ne pas satisfaire les revendications de ceux qui réclament plus de justice, plus d’équité dans la distribution de celle-ci, Macky Sall veut “réduire à sa plus simple expression” la force de Sonko l’opposant dont l’arrestation est à l’origine de cette crise inédite aux retentissements mondiaux, qui a mis à rude épreuve le pouvoir issu de la seconde alternance. Un tournant décisif qui a encore remis au goût du jour l’éventualité d’un troisième mandat dénoncé par certains Sénégalais lors des manifestations. Sall semble aussi fermer les yeux sur les manquements manifestes de pans importants de l’État qui n’ont pas su anticiper sur les événements. Gouverner, c’est prévoir avec de bons renseignements généraux (Rg), avions-nous écrit dès les toutes premières manifestations. Les services du ministère de l’Intérieur donnent l’impression d’avoir été surpris et dépassés par l’ampleur du “danger” et le caractère massif des manifestations. L’intervention du premier flic du pays “après coup”, constitue dès lors un aveu d’échec et une cuisante déculottée pour une administration réputée sérieuse. Le chef de l’Etat restera-t-il les bras croisés face à cette situation ou veut-il attendre le moment “idéal” pour un réajustement des choses ? Une manière bien subtile de ne pas donner l’impression d’un président qui subit au lieu d’être le maître…du jeu.

Le constat est qu’il se presse…lentement et laisse “passer la vague”

Assumerait-il lui aussi ces travers au point de ne pas vouloir se débarrasser de collaborateurs qui ont montré leurs limites ?

Zone de confort

En attendant des réponses à ces questions, le président de la République reste dans sa zone de confort et veut montrer que les événements de février-mars ne sont pas dirigés contre sa personne, ses méthodes et ne signifient pas un soutien pour un opposant accusé de viol. Un équilibre difficile. Macky Sall manœuvre pour réussir à dépasser ce tournant.

Sa rencontre avec la jeunesse à l’occasion du Conseil présidentiel sur l’insertion et l’emploi des jeunes, le 22 avril 2021 au Centre de conférences international Abdou Diouf de Diamniadio, entre dans ce cadre.

” J’ai tenu à ce que le processus préparatoire du Conseil soit inclusif, en partant des réalités de nos terroirs, et en associant la jeunesse dans toutes ses composantes : ouvrière, artisanale, paysanne, entrepreneuriale, sportive, artistique, jeunesse des Daaras, du secteur informel, des cultures urbaines et des loisirs”, a-t-il précisé.  Pour lui donc, tous ses soucis viennent de cette “jeunesse inemployée” qu’il compte prendre en charge en mettant sur la table 450 milliards de FCfa.  Tout en menaçant de représailles les “fauteurs de troubles”.