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Fin de disgrâce des proscrits du 1er Novembre 2020: L’élite apérienne nourrissait l’ambition de succéder à son chef Par Habib KA, Bureau régional de Matam, Thilogne

Transformés en Medvedev, les proscrits de la Toussaint 2020 doivent chauffer la place pour permettre à Macky Sall de revenir en 2024 ; c’est le printemps des civilités

Quelqu’un qui tomberait des nues, en scrutant le ciel de la reconfiguration politique de la mouvance présidentielle, ce sera bien le nouveau président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) : les lignes bougent, le centre des stratégies politiciennes du palais aussi, Idrissa Seck se retrouve à la périphérie, entre les mains ce machin budgétivore, disait-il, créé principalement pour recaser du personnel politique.

Sa promotion ainsi que celle de quelques responsables de Rewmi acquis à sa cause n’était en fait qu’une des conséquences de l’exacerbation des contradictions au sommet de l’Alliance pour la République (APR) autour de la délicate question du 3ème mandat.

L’élite apérienne, en effet, nourrissait l’ambition de succéder à son chef, à l’issue de ses deux mandats successifs, pendant que lui, le président Macky Sall, continue encore de croire dur comme fer, comme Abdoulaye Wade en 2012, avoir la légitimité constitutionnelle de briguer ce 3ème mandat très controversé.

Alors que les Sénégalais s’attendaient à un remaniement en profondeur, ils eurent la surprise de constater que c’était finalement les fidèles parmi les plus fidèles qui ont été évincés ce jour du mercredi Premier novembre 2020. La rupture était inévitable, le chef de l’État, contre son gré, n’avait comme ultime recours que de mettre tout ce monde sur le banc de touche : Muhammad Boun Abdallah Dione, ancien Premier ministre, Maxime Jean Simon Ndiaye, secrétaire général du gouvernement, Aminata Touré, présidente du Conseil économique, social environnemental (CESE), Amadou Bâ,  ministre des Affaires Étrangères, Aly Ngouille Ndiaye de l’Intérieur, Mouhamadou Makhtar Cissé, ministre du Pétrole et des Énergies, El Hadji Oumar Youm, ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement. Alioune Badara Cissé n’était pas, lui non plus, logé à meilleure enseigne : numéro 2 du parti, démis de ses fonctions de ministres des Affaires Étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur en octobre 2012, après quelques errements, il fut mis en stand-by à la Médiature de la République.

Compagnons des premières heures,

Mes premières amours !

Faute d’un vrai remaniement donc, le président de la République s’est livré au limogeage de ses compagnons des premières heures et pas des moindres, fort de ses prérogatives de chef de l’État, sans pour autant couper les amarres, contrairement au père Wade ;  lui, il s’est contenté  de les mettre  en réserve, tirant les leçons des conséquences fâcheuses des ruptures successives de son prédécesseur d’avec ses compagnons des périodes de vaches maigres, contraignant ceux-ci, malgré eux,  à déposer leur baluchon dans le camp adverse : Pape Diop, Idrissa Seck, Talla Sylla, pour ne citer qu’eux, sans oublier les mésaventures de Macky Sall et ses compagnons d’infortune. Situation oblige :  Macky fait faux bond à Mburu pour retourner à ses premières amours, les proscrits de la Sainte Toussaint avec qui s’installe désormais le printemps des civilités, donnant ainsi raison à l’adage qui dit qu’on ne change pas une équipe qui gagne.

A la Présidentielle de 2019, le ministre Amadou Bâ et la Première dame Mariame Faye Sall avaient obtenu gain de cause à Dakar face à la coriace Alliance de Manko Taxawu Sénégal du maire de la ville sortant Khalifa Ababacar Sall.

Aly Ngouille Ndiaye à l’Intérieur a su piloter de main de maître et avec fermeté le référendum constitutionnel du 20 mars 2016 ainsi que les élections législatives du 30 juillet 2017 ; la sécurité et les rigoureuses consignes du respect du couvre-feu en période de crise de covid-19 n’étaient pas en reste.

Le Premier ministre Muhammad Boun Abdallah Dione, par ses interventions régulières à l’Assemblée nationale, ses piques et promptes répliques à l’opposition et la mise en acte de la vision de son président, avait plus d’intensité que les quelques rares sorties de la Task Force Républicaine dans les médias et sur les plateaux de télévision.

Mimi est toujours là, stoïque, guerrière, sa directrice de deux campagnes présidentielles de toujours. Amazone à tout faire de l’APR, plus osée, très pertinente dans les débats contradictoires. Le glaive du président, l’avant-garde des combats épiques contre le Parti démocratique sénégalais (PDS), contre le fils Karim, le père Abdoulaye Wade et contre le très futé et éloquent Idrissa Seck qui excellait dans l’art de tourner en dérision le président Macky Sall et sa gouvernance, et qui faisait le lendemain la Une de tous les journaux de la place. Mimi était toujours là en rempart, prête à répliquer.

Le retour des proscrits de la Sainte Toussaint aux affaires n’est donc plus qu’une question de temps dans cette période de précampagne électorale pour les élections municipales et départementales.

Outre que certains d’entre eux pourraient regagner l’équipe gouvernementale, les autres, réhabilités à des stations très stratégiques et les négociations avec le chef de l’Exécutif pour candidater aux mairies de leurs fiefs politiques, semblent somme toute naturels et acceptables pour le président de l’APR et de BBY.

Macky Sall, bon tacticien, est le seul à maîtriser ses plans et à décider de définir les formes de collaboration de ses lieutenants qui avaient donné le meilleur d’eux-mêmes en mouillant le maillot pour lui et donné entière satisfaction sur le terrain aux postes où ils étaient titularisés.

Face à son destin et celui de ses compagnons, il est tenu, en toute objectivité de redresser les piliers de son gouvernement dont l’absence d’un Premier ministre a considérablement amoindri l’efficacité.