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Fécondité de la femme africaine et les problèmes environnementaux: Sarko le récidiviste

Et voilà Nicolas Sarkozy qui récidive dans son ouvrage intitulé « Passions » par son discours afro-pessimiste et à la limité condescendant envers les Africains. En martelant ses convictions sur le fort taux de natalité en Afrique, l’ancien président français n’a fait que s’embourber davantage dans les méandres d’un mépris morbide envers les Africains. Foulant aux pieds les règles élémentaires de la diplomatie, les hommes politiques français ont la fâcheuse habitude de prétende penser pour les Africains.

En véritable apôtre des idées stéréotypées et des clichés sur l’Afrique, Nicolas Sarkozy ne manque jamais l’occasion de s’attaquer à la forte natalité dans le contient, natalité qu’il considère comme une pesanteur économique. C’est sur ce registre que s’inscrit sa sortie musclée à propos de sa dérive sur la fécondité abondante de la femme africaine qui constituerait, d’après ses élucubrations, une menace de sur-occupation de la planète déjà fortement accablée. En suggérant l’absurde relation qui existerait entre la fécondité de la femme africaine et les problèmes environnementaux, Nicolas Sarkozy démontre une fois de plus l’absurdité de ses thèses sur l’Afrique. La mortalité infantile, la pandémie du SIDA, les guerres en Afrique sont autant de périls qui continuent de dépeupler le continent. La forte natalité en Afrique est donc contrebalancée, voire annihilée par le taux de mortalité qui y reste élevé. Il aurait suffit à Sarkozy de comparer la population africaine (très jeune du reste) à celle occidentale pour voir que le risque de sur-occupation de la planète ne peut pas être imputé à une quelconque forte fécondité de la femme africaine. Culturellement, il y a des différences d’approche entre l’Afrique et l’Europe sur les questions liées à la société, à l’homme, à l’enfance, à l’homosexualité et à la religion. La mondialisation est certes une réalité indéniable, mais les frictions culturelles demeurent une réalité exacerbée par la prétention occidentale d’imposer des valeurs universelles. Ces différences d’approche et les frictions culturelles qu’elle entraîne font que les paradigmes politiques et économiques conçus selon les schèmes occidentaux ont souvent du mal à s’adapter aux réalités culturelles de l’Afrique. Depuis très longtemps l’Afrique souffre de cette nécessité de devoir aliéner sa spécificité aux exigences des pays du Nord. La coopération Nord-Sud est supposée être bilatérale, mais elle est originairement et naturellement unilatérale. Les politiques du Sud n’ont aucune espèce d’autonomie puisqu’elles sont clonées sur celles du nord sans tenir compte des spécificités culturelles et de l’environnement social dans lequel elles sont censées être appliquées. La surexploitation de la nature qui pose avec gravité le problème de la disponibilité à long terme des ressources de la planète trouve son origine dans une certaine conception de l’homme et de son rapport à la nature : celle capitaliste. Voilà pourquoi Sarkozy est à tort ou à raison perçu par les populations africaines, et notamment par la jeunesse, comme un européocentrisme invétéré, incapable de concevoir la diversité. Prétendre s’occuper de l’Afrique par on ne sait quelle sagesse étrangère au continent, c’est implicitement suggérer qu’elle n’a pas de ressources humaines locales aptes à comprendre ses problèmes et à leur trouver une solution.

Voilà ce qui est proprement inacceptable, surtout lorsque cela provient d’un ancien président français. L’Afrique n’a certainement pas besoin qu’on s’occupe d’elle comme si elle était incapable de se prendre en charge : c’est précisément cette dépendance mentale qu’il urge de déconstruire chez les intellectuels africains. Le culte du profit, la passion du luxe et du loisir ont fini d’encastrer le système capitaliste dans une logique de consommation à outrance. Cette logique n’est pas forcément universelle, elle n’est, en tout cas pas, celle de l’Afrique. Dans ce continent, les besoins de l’homme ne sont pas suscités artificiellement par la machine folle du couple production-consommation. L’essentiel des ressources de la planète est utilisé par la minorité et principalement les populations des pays du Nord parce que les pays du sud n’ont généralement pas la technologie requise pour extraire et transformer les matières premières. Il y a par conséquent une double injustice que les pays du nord font subir à ceux du Sud : en plus de profiter à vil prix de leurs matières premières, on pollue la planète, l’appauvrit et la laisse exsangue aux Africains à qui on demande de payer la note par une diminution de la consommation ! Il ne faut pas que les élites se trompent de stratégie: autant notre continent a tous les atouts naturels pour son épanouissement intellectuel, autant il a les ressources intellectuelles et morales pour résoudre non pas seulement les problèmes spécifiques auxquels il est confronté, mais aussi pour contribuer à relever les défis auxquels l’humanité est aujourd’hui confrontée.

Baye Saliou THIAM