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Face cachée: Macky Sall, grandeur nature De notre correspondant en France, Tidiane SENE, Toulouse

La différence entre le principal et le secondaire en toutes choses, c’est la séparation entre un supérieur et son subordonné : le premier doit être un meneur, un leader apte à diriger une équipe en toutes circonstances ; le second, qui n’a la primauté sur rien du tout contrairement au premier, est généralement un façonnier des décisions prises par le patron.

Abdoulaye Wade connaissait bien la société sénégalaise pour l’avoir assez apprise et pratiquée. Il disait que certains de ses fils politiques voulaient certes être des leaders, mais ce qui leur manquait, c’était juste de la patience. Mieux, la plupart d’entre eux étaient très pressés.

Malheureusement pour le Sénégal, il y avait un certain Macky Sall qui n’a jamais été un meneur mais, paradoxalement, il a été un très bon second. Les électeurs ne font pas une grande différence entre celui qui donne des directives bien élaborées et celui qui les applique.

Certains épilogueront longtemps sur le fait que Macky Sall soit un scientifique, loin s’en faut ! Mais cela n’en faisait pas forcément un chef, dans le vrai sens du terme.

Abdoulaye Wade avait fini par jeter son dévolu sur Macky Sall en lieu et place des docteurs en tous genres, des avocats et autres grands responsables au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS) et dans les gouvernements successifs que ce dernier a formés. Cela s’explique naturellement par le fait que Macky Sall était le prototype irréfragable du laborieux qui appliquait à la lettre ce que le chef lui demandait de faire. Et il le ferait mieux que n’importe qui au PDS : plus qu’un faire-valoir, Macky Sall est un bon praticien des décisions et directives émanant d’un chef, d’où qu’elles viennent. On peut ne pas être d’accord avec lui, mais ceux qui le connaissent bien savent qu’il est prompt et très efficace à mettre en œuvre les directives de ses chefs.

Impétrant, Macky Sall est beaucoup plus forgé à être un pratiquant des instructions plutôt que de faire germer des avancées à appliquer. Il n’est pas forgé pour la vision mais pour l’application d’une offre. En ce sens, Macky Sall est le meilleur de ceux qui doivent mettre en chantier et à la lettre les projets mis à sa disposition.

Scientifique et impulsif, Macky Sall est tout cela à la fois. Il applique sans sourciller les sentences qu’on lui demande de donner. Idrissa Seck en a pris pour son grade sous le régime de Wade au point de verser de chaudes larmes durant son point de presse, expliquant comment Macky Sall, « utilisé » à point nommé, a voulu réduire à sa plus simple expression le nom de son parti, le « Rewmi ».

C’est ce qu’a compris Wade dès la perte du pouvoir en demandant au PDS de répondre aux sollicitations du vainqueur ; Abdoulaye Wade avait des craintes : Macky Sall ne devait pas tomber entre des mains hostiles qui pourraient le manœuvrer. Le président Wade en exercice s’était déjà débarrassé du joug des Français, des colons et autres envahisseurs. Voilà pourquoi l’actuel président n’est pas un meneur, mais naturellement un subalterne, bon second en tout. A l’intérieur du pays, le leadeur du plus grand parti libéral avait aussi peur que Macky Sall soit manœuvré par les socialistes incrédules qu’étaient Niass, Tanor ainsi que d’autres marxistes-léninistes.

Ensuite, Wade ne voulait pas que Macky Sall soit un pion pour l’étranger, à qui il dira toujours « oui », alors qu’il était prompt à crier « Dumako Dèf » à son peuple, démontrant encore une fois son incapacité à être un vrai leader.

Ce que Macky Sall a réussi aux cotés de Wade en tant que très « bon second », appliquant à merveille les directives du chef, ne lui réussira pas en tant que président de la République malhabile à prendre de bonnes décisions. S’y prendre seul a été la plus grande difficulté pour le président actuel à mener le pays à bon port. Son incurie manifeste à ne pas pouvoir diriger le pays vers des lendemains meilleurs est constatée partout dans tout ce qu’il entreprend difficilement.

Cette faiblesse innée chez lui à ne pas pouvoir diriger cache les faiblesses qu’il masque par la bouderie, l’impulsion et son état taciturne en toutes épreuves.  Des hommes comme lui, projetés au-devant de la scène politique par accident, répondent généralement à une double équation :

  • leurs décisions sont très souvent prises à la va-vite,
  • leurs décisions sentent le forcing.

C’est ce qu’à toujours compris Idrissa Seck qui pense aujourd’hui devoir être à ses côtés pour le piéger en lui dictant ses combines, au lieu de lui faire face, normalement.

Mais il n’est pas évident que Macky Sall se laisse manœuvrer cette fois-ci, réveillé et sachant qu’il est bel et bien le seul maître à bord. Macky Sall doit se réveiller de sa torpeur et apprendre à piloter le navire « Sénégal » avec sérénité.

Pourvu que 2024 fasse que le Sénégal retourne entre les mains des vrais maîtres doués de vision pour le libérer du complexe des subalternes et des bateleurs !