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Emploi des jeunes-Responsabilité sociétale des Entreprises et des Territoires

RSE & LA PROBLEMATIQUE DE L’EMPLOI DES JEUNES AU SENEGAL

Le sujet de l’heure au Sénégal renvoie à l’enjeu prioritaire de l’emploi des jeunes. Explorer la voie de la Responsabilité sociétale des Entreprises et des Territoires nous semble une voie à explorer …

 

Renforcer le dialogue entre les entreprises

du secteur formel et les collectivités locales

 

Par Philippe BARRY
Expert RSE & Secteur privé

Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs se sont attelés à adopter différentes mesures et des dispositifs d’appui à l’emploi des jeunes qui n’ont pu infléchir la courbe du travail décent ainsi que celle de l’auto-emploi et l’entrepreneuriat formel. Les orientations prises ont dans une grande majorité concerné l’offre et la demande d’emplois, la formation et l’insertion professionnelle, l’entrepreneuriat et le financement des entreprises sans explorer davantage deux éléments qui nous paraissent essentiels : la large diffusion d’un Système ouvert d’Information de Marché (Redevabilité et Transparence des informations économiques collectées à la base au niveau des Territoires) et un Dialogue de qualité entre les Entreprises et les Collectivités Territoriales où elles sont implantées dans le cadre de la Responsabilité Sociétale des Territoires (RST).

Contribuer au développement territorial par le renforcement d’un dialogue entre les entreprises du secteur formel et les collectivités locales est en effet devenu une nécessité dans un contexte actuel marqué au Sénégal par la faible valorisation des ressources et potentialités de leurs territoires qu’elles ont en bien commun.

En effet, les Collectivités territoriales ont en charge la gestion des compétences transférées : aménagement du territoire, planification, gestion de l’environnement et des ressources naturelles, santé et action sociale, éducation, alphabétisation, promotion des langues nationales et formation professionnelle, culture, urbanisme et habitat, jeunesse et sport. De ce fait, le dialogue avec tous les acteurs du territoire, et en particulier les entreprises, est un élément indispensable à la réussite de leurs missions.

La présence d’entreprises sur leurs territoires est une réelle opportunité de développement économique et social. Ainsi, l’ancrage territorial de l’entreprise pourrait traduire la volonté de cette dernière de fonder une «communauté de destin» avec son territoire d’implantation. Cela suppose un engagement de l’entreprise en faveur des Collectivités territoriales et vice-versa, mais également et surtout une qualité de dialogue entre ces deux catégories de parties prenantes locales : les entreprises et les collectivités territoriales. L’existence de bonnes relations entre celles-ci offre des garanties d’actions non négligeables pour les deux parties.

Mais les collectivités territoriales du Sénégal disposent-elles en interne des compétences et outils nécessaires pour élaborer et mettre en œuvre, ensemble avec les entreprises, des stratégies de responsabilité sociétale sur leur territoire et être ainsi en capacité de formuler et conduire des projets communautaires de développement durable répondant à la fois aux exigences du Contenu local (développement économique et emploi locaux) et aux attentes des populations locales en termes d’emploi des jeunes et des femmes, d’accès aux services sociaux de base (éducation et santé), d’investissements socio communautaires, de préservation de l’environnement, etc… (lien avec les Objectifs du Développement Durable – ODD) ?
Doter les Collectivités territoriales et les entreprises d’un cadre méthodologique orienté Développement durable, basé sur un référentiel commun, à l’instar des normes ISO 26000 (RSE) et 37101 (Management pour le développement durable dans les Villes et Communautés), ne serait-il pas la panacée aux grands problèmes de l’heure au Sénégal ?

En raison de leur proximité avec les entreprises, les collectivités territoriales sont invitées, avec l’appui des entreprises à fort impact environnemental et social implantées sur leurs territoires, à définir une stratégie de responsabilité sociétale pertinente répondant aux problématiques ci-dessus indiquées.

Pour ce faire et dans l’immédiat, les problématiques essentielles auxquelles sont confrontés les collectivités territoriales et les entreprises pour répondre aux besoins des communautés et atteindre les objectifs de développement durable sont de deux ordres :

• Au niveau des ressources humaines :
o Les faibles capacités du top management des collectivités territoriales mais également des entreprises à s’approprier la notion de performance durable (à travers les outils sur la RSE et le Développement Durable) en vue d’élaborer des stratégies de développement durable et d’en assurer un déploiement opérationnel en interne et auprès des parties prenantes externes (Gouvernance RSE).
• Au niveau du financement
o L’accès difficile pour les Collectivités territoriales et les entreprises à un financement permettant d’assurer à la fois un renforcement de capacités du personnel et une mise à niveau de leur système de gouvernance sur des standards internationaux devant faciliter la durabilité et la performance de leurs activités (ISO 26000 et 37101).

La réponse aux problématiques soulevées

La RSE/RST en tant qu’outil de management et outil de dialogue entre parties prenantes constitue pour le management des entreprises et des collectivités territoriales une solution alternative face aux problématiques exposées ci-haut et surtout face aux faiblesses de la Gouvernance territoriale (voir encadré ci-bas). Les principes de la RSE/RST sont effectivement bâties autour de sept (7) notions dont quatre (4) sont au cœur d’un système de management durable performant pour les entreprises et les collectivités territoriales où elles sont implantées. Il s’agit de la Redevabilité, la Transparence, l’Ethique, le respect des intérêts et attentes des Parties prenantes.

Extraits du rapport «Plan National d’Aménagement et de Développement Territorial (PNADT) de Juin 2020» relevant quelques unes des faiblesses de la Gouvernance territoriale au Sénégal et justifiant l’opportunité d’une action en faveur de la RSE/RST :
Déficit de coopération entre les acteurs territoriaux : Le déficit de coopération entre les acteurs est un fait marquant de l’espace communautaire sénégalais. Malgré les possibilités offertes par la loi (coopération entre Etat et Collectivités Territoriales, coopération avec des collectivités territoriales étrangères, coopération avec des organismes publics ou privés étrangers), la démarche de coopération demeure peu explorée et bute sur plusieurs obstacles qui concernent principalement :

• Le manque de volonté des acteurs territoriaux et parfois le déficit de consensus et de dialogue entre les acteurs ;
• La faible capacité d’intervention (technique et financière) des acteurs locaux ;
• La faible maîtrise des mécanismes de la coopération internationale ;
• L’absence de structures performantes d’assistance à la coopération internationale.

Déficit de maîtrise de l’information territoriale 

Au regard des nouvelles orientations des politiques publiques, la maîtrise de l’information territoriale est une condition obligatoire pour asseoir des politiques territoriales crédibles et porteuses de résultats. L’information est au début (diagnostic et élaboration des stratégies) et à la fin (évaluation/consolidation/apprentissage) de l’action territoriale et détermine en grande partie ses chances de succès et de résultats. Au Sénégal, la faible maîtrise de l’information territoriale est l’une des principales limites de la politique de gouvernance territoriale et se traduit par :

• Une faible maîtrise des dimensions et de la structuration géographique de l’espace communal (limites, zonages, servitudes, etc.) ;
• Une faible maîtrise de l’information géographique ;
• Une faible maîtrise des textes de la décentralisation qui se traduit par des confusions dans les missions et prérogatives ;
• L’absence de système d’information territorial, sur les acteurs et leurs interventions surtout ;
• L’absence de système de suivi et d’évaluation de l’action territoriale.

Autres faiblesses de la gouvernance territoriale : En plus de celles identifiées plus haut, d’autres faiblesses, parmi lesquelles le manque d’efficience et de transparence dans la gestion des collectivités et la faible efficacité de l’action publique territoriale, caractérisent la gouvernance territoriale. Cette situation découle de plusieurs facteurs dont le faible niveau de qualification du personnel des collectivités qui est souvent pléthorique et dont les conditions de recrutement ne sont pas bien encadrées.

Fait à Dakar, le 10/10/2022