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Élections locales: Discorde, crise ? Par Habib KA, Bureau régional Matam

Un différend d’écart d’un mois (décembre 2021-janvier 2022) pour les Locales ne devait pas être, à priori, source de difficulté insurmontable pour le Front de Résistance nationale (FRN) et pour le gouvernement pour trouver, par consensus, une date qui conviendrait aux deux parties. Sauf que Benno semblera plus proche de l’unité que l’opposition. Rendez-vous à Ok Corral le 31 janvier 2022 !

Les états-majors politiques sont à pied d’œuvre pour la conquête de la capitale et des grandes villes : vendredi 2 avril, l’Assemblée nationale a voté une dernière nouvelle date finalement fixée au 31 janvier 2022. Le mandat des conseillers départementaux et municipaux qui court depuis les dernières élections locales de 2014 est de nouveau prorogé pour la troisième fois puisque les élections des conseillers municipaux et départementaux devaient se tenir avant fin mars 2021.

Ce forcing organisé du chef de l’État contre l’avis de l’opposition, des Non-alignés et de la société civile, acteurs engagés dans le dialogue politique qui soutenaient que techniquement les élections sont faisables en décembre 2021, peut être perçu comme une provocation. Provocation dans un contexte inapproprié, où opposition et pouvoir se regardent en chiens de faïence, un contexte de crispation politique où le feuilleton Sonko-Adji Sarr n’a pas encore fini de révéler ses effets.

Le pouvoir à ses propres calculs, son calendrier personnel, peu lui importe l’avis de l’autre ; il n’agit que le moment favorable pour lui venu, sauf si les rapports de forces le contraignent de renoncer ; de son côté, l’opposition peut toujours négocier pour le consensus pour une médiane et refuser d’être poussée à la radicalisation, à l’abandon.

Déjà, Pastef se sent pousser des ailes à Dakar et les Khalifistes ne sont pas prêts à rétrograder Barthélemy Dias, le Parti démocratique sénégalais (PDS) de Me Wade se retrouve une nouvelle jeunesse avec une probable réhabilitation de Karim Meïssa Wade. Le choc des ambitions risque de faire capoter toute idée de fusion organique des listes. Gros dilemme !

Bennoo Bokk Yaakaar (BBY) et l’Alliance pour la République (APR) pourraient toujours se frotter les mains pour récolter facilement les dividendes de ces divisions.

Le temps est le facteur essentiel que les acteurs du dialogue politique ont à gérer avec parcimonie pour rendre aux citoyens leurs droits confisqués ; le chef de l’État est tenu au respect du droit du citoyen d’exprimer ses suffrages selon un calendrier électoral qu’un quelconque dialogue, fut-il national ou politique ne peut ou doit hypothéquer. Le Conseil des ministres ne peut indéfiniment reporter les élections locales et proroger indûment les mandats des présidents des conseils départementaux, des maires, des conseillers municipaux.

Depuis toujours les consultations électorales sont sujettes à des conflits tantôt larvés, tantôt ouverts. Cette situation est inhérente à tous les états post-coloniaux où la patrimoinisation du pouvoir est tellement développée qu’une fois élu, le chef use de toutes ses prérogatives pour s’éterniser à la tête de l’Etat. L’opposition s’arc-boute à défendre la démocratie, le pluralisme, le respect des institutions. Il en a toujours été ainsi entre une opposition et un pouvoir en perpétuelle situation conflictuelle. La pomme de discorde : la fiabilité du fichier électoral, la création d’une structure indépendante chargée d’organiser les élections, l’usage abusif des biens de la République par le parti au pouvoir pour sa campagne, le flou entretenu sur la fixation de la date du scrutin.

Exactement les mêmes griefs portés à l’époque contre Abdoulaye Wade, président.

Si Me Wade s’est fait réélire au premier tour avec près de 56 %, pour se faire taxer par son opposition de tricheur, Macky Sall a escaladé les 58,20%. Son opposition conteste mais n’introduit pas de recours auprès du Conseil constitutionnel.

Le président Wade avait réussi le coup de faire boycotter son opposition principale les Législatives du 03 juin 2007 et ainsi avoir une Assemblée Nationale toute acquise à sa cause : 131 sièges contre 19. Est-ce le syndrome qui guette le Front de Résistance nationale (FRN) ? Ce serait une erreur fatale si elle se laisse pousser à commettre l’irréparable, le boycott.

Si le Front de Résistance Nationale (FRN) maintient sa décision de suspendre sa participation aux travaux de la Commission Politique du dialogue, jusqu’à nouvel ordre, elle court le gros risque d’être en quarantaine, complètement out des tractations politiciennes. Toutes les décisions seront prises en son absence, certainement même contre les intérêts qu’elle représente.

Le boycott, quant au fond, pour un parti, est une forme de renonciation à son engagement. Dire que tant que telle ou telle condition n’est pas remplie, nous boycotterons, est un aveu d’impuissance face à son adversaire : un parti qui aspire à conquérir le pouvoir et à gérer les choses de la république doit être endurant et constant.

Même dans les pires conditions, il lui faut y aller ne serait-ce que pour harceler l’adversaire, l’empêcher d’avoir les mains libres pour manœuvrer.