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Effets économiques et sociaux de la pandémie du Coronavirus: « Le Sénégal a les moyens d’une politique exemplaire de santé » Professeur Moustapha Kassé Pape Sadio THIAM, Éditorialiste, Rédaction centrale, Le Devoir

Il faut regarder l’avenir avec sérénité, conseille l’éminent professeur Moustapha Kassé qui s’est penché pour nous sur les effets économiques et sociaux de la pandémie du Coronavirus au Sénégal : le pays dispose d’une Armée nationale capable de réaliser toute infrastructure de base nécessaire et d’une des meilleures facultés de Médecine du monde francophone, d’institutions de formation des cadres intermédiaires, forme de très bons médecins et de très bons spécialistes, dispose de centres de recherche bien adossés aux normes internationales avec des chercheurs pointus mais limités par la modestie des financements qu’ils compensent avec art et passion.

Moustapha Kassé invite alors à saisir l’opportunité de la présente crise pour ouvrir un débat large et prospectif sur ce qui est et ce qu’il faut faire afin d’éviter un état d’urgence social.

Avant la crise, l’économie sénégalaise allait mieux.  Certains indicateurs macroéconomiques étaient bons, d’autres s’amélioraient et les déficits se réduisaient. La croissance économique qui était soutenue avec de vastes investissements, surtout publics, offrait une bonne perspective : les taux pour les années 2019 et 2020 étaient respectivement de 6,7% et 6,8%. L’inflation était maîtrisée avec une augmentation légère des prix. Le déficit budgétaire s’est amélioré de 3,5% du PIB en 2018, en hausse par rapport aux 3% de 2017.

Si la crise de la pandémie du Coronavirus a bousculé beaucoup de certitudes et de prévisions économiques jusque dans les pays développés, elle n’aura pas épargné les pays sous-développés comme les nôtres. Devant cette situation d’urgence sociale, l’Etat du Sénégal a pris les devants pour en atténuer l’impact par la création d’un Fonds de Riposte et de Solidarité, doté de 1.000 milliards de CFA. Si, dans le cercle des économistes et les professionnels de la santé, les positions divergent sur les modalités et les perspectives de financement de notre système de santé, le Professeur Moustapha Kassé pense lui que le Sénégal a largement les moyens d’une politique exemplaire de santé. Il est convaincu que le Sénégal a des atouts majeurs : « Il possède l’une des meilleures facultés de Médecine de la Francophonie, de bonnes institutions de formation des cadres intermédiaires, nous formons de très bons médecins et de très bons spécialistes, des centres de recherche bien adossés aux normes internationales avec des chercheurs pointus mais limités par la modestie des financements ». Ensuite, le pays dispose d’une Armée nationale pleine de compétences dans tous les domaines et bien équipée en capacité de réaliser toutes sortes de travaux d’infrastructure de base.

Pour appuyer son argumentaire, Moustapha Kassé cite le professeur Pierre Ndiaye : « On transfère souvent nos malades en Tunisie ou ailleurs, alors que les cliniques qui les reçoivent dans ces pays sont animées par des étudiants sortis de notre université ». L’opportunité qu’offre toute crise est d’ouvrir un débat large et prospectif sur ce qui est et ce qu’il faut faire. C’est pourquoi le Professeur Kassé, invite les Sénégalais à regarder l’avenir avec sérénité pour éviter un état d’urgence social. Les Chinois dans leur sagesse ancestrale ont deux mots pour désigner la crise : le danger et l’opportunité ; « Nous pouvons, comme eux, nous relever de toute situation tragique en réalisant les transformations structurelles et en mobilisant nos concitoyens, la jeunesse en tête, autour d’une vision stratégique clairvoyante portée par des politiques économiques et sociales efficientes ».

« Il n’existe pas de fatalité à l’échec ; réussir l’Émergence passera par une volonté politique consensuelle conduite par un leadership transformationnel, un professionnalisme qui utilise toutes les compétences et les savoirs et l’adoption d’un référentiel de valeurs patriotiques et de civisme ».

Les lois du capitalisme, selon Moustapha Kassé, se soucient très peu du social, avec la sublimation du marché comme forme suprême de la coordination économique, alors même que celui-ci est myope à la fois pour les pauvres et les inorganisés que sont nos économies désarticulées et dépendantes. C’est pourquoi dira-t-il, « nos recherches actuelles doivent se polariser sur la problématique de l’Économique à l’épreuve du Social ».

A l’en croire, la question essentielle pour l’Afrique est celle le financement du système social : « Deux décennies de progrès ont été interrompues dans les années 80, sous l’effet des politiques d’ajustement qui ont diminué de façon drastique les dépenses d’éducation et de santé. Ce n’est nullement un hasard si ces deux secteurs sont au cœur des luttes syndicales et des revendications citoyennes au nom de la justice sociale et de l’équité ».

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