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Dossier: Quand Lamine Diack paye la rivalité Russie-Union européenne Lamine Diack paye cher sa tentative de démocratiser l’organisation des championnats du monde IAAF et autres disciplines assimilées

Dossier réalisé par Pape Sadio THIAM

L’Union européenne et particulièrement la France ne pardonneront jamais à Lamine Diack, ancien patron de la Fédération internationale d’Athlétisme, d’avoir pesé de tout son poids pour que Moscou organise les Mondiaux d’Athlétisme de 2013. L’ancien patron de l’athlétisme mondial aurait commis un crime de lèse-majesté en appuyant fortement l’organisation des championnats du monde IAAF à Moscou, Pékin, Doha et d’autres émergents qui menacent la domination des Occidentaux. Sans le vouloir, il aura été au cœur des rivalités Russie-union européenne. Une rivalité qui, par le jeu des bras de fer, aura tourné au profit de Moscou. Au détriment de Lamine Diack qui paye cher sa tentative de démocratiser l’organisation des championnats du monde IAAF et autres disciplines assimilées.

Un bref rappel sur le contexte de l’époque permet d’appréhender les déboires du président Lamine Diack avec la justice française, même si par ailleurs, il a toujours clamé son innocence.

Candidat à l’élection présidentielle de 2012 avec le soutien du président Medvedev, Vladimir Poutine l’emporte au premier tour et retrouve la fonction de président de la Fédération de Russie pour un mandat allongé de deux ans en vertu d’un amendement adopté en 2008.

Dans le cadre de la guerre du Donbass, à la suite d’un référendum contesté, il permet le rattachement de la péninsule de Crimée à la Russie, acte majoritairement perçu comme une violation du droit international. D’autre part, il implique militairement la Russie dans la guerre civile syrienne, en soutien à Bachar el-Assad. Au cours de cette période, il s’efforce de restaurer l’influence russe sur la scène internationale. Le sport est un des leviers pour s’imposer sur la scène diplomatique mondiale.

Premier test, les Mondiaux d’athlétisme en 2013. Le président Russe dispose d’un allié de taille : son ami Lamine Diack. Malgré les crocs en jambe de ses rivaux, Moscou parvient à obtenir l’organisation de cette grande messe de l’athlétisme mondial. Le président Russe va toujours miser sur le sport et notamment sur l’organisation de compétitions comme la Coupe du monde de football 2018, les Jeux olympiques d’hiver 2014 pour promouvoir son pays. L’organisation des mondiaux d’athlétisme en 2013 en Russie était une pilule dure à avaler pour le monde occidental, d’autant plus que la Russie est soupçonnée de dopage sur ses athlètes.

Cette affaire aux multiples ramifications démarre au début des années 2010, avec l’arrivée dans l’arsenal antidopage du passeport biologique, qui permet de déceler des variations sanguines suspectes. La Russie est ciblée et, en novembre 2011, une liste de 23 athlètes suspects est établie. Au même moment, Lamine Diack, son fils Massata et Habib Cissé, son conseiller, sont accusés de multiplier les voyages à Moscou et de faire traîner les dossiers disciplinaires en longueur, permettant à plusieurs athlètes de participer aux JO de Londres en 2012 et même d’y gagner des médailles. Même si ces médailles leur ont été retirées après.

Les pressions diplomatiques mondiales s’enchaînent et, pour ne rien arranger, la Russie fait adopter en ce moment chargé une loi réprimant la “propagande homosexuelle”. Un texte qui a soulevé l’indignation de nombreuses personnalités politiques, artistiques ou encore sportives. D’autant que la nation dirigée par Vladimir Poutine est sous le feu des projecteurs puisqu’elle organise les Championnats du monde d’Athlétisme à Moscou. Pour les Européens, particulièrement la France, le texte de loi qu’ils viennent de prendre est un texte qui remet en cause la liberté d’expression et les accords qu’ils ont signés dans le cadre de conventions européennes de sauvegarde des droits de l’Homme.