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Diomaye président : Clean

Présidentielle

Place nette

Avec un score au premier tour de la Présidentielle inégalé depuis le temps des socialistes, Bassirou Diomaye Faye fait mieux que ses deux prédécesseurs. Ceci devrait lui permettre de se révéler sous sa véritable personnalité. 

S’il a fait place nette au niveau des scores, il devrait aussi le faire au niveau de sa gouvernance ; c’est en tout cas ce qu’il promet.

“D’après son discours d’hier, il ne va rien balayer”

Pour la première fois depuis 2000, le Sénégal a un président élu par la majorité des électeurs : Abdoulaye Wade (2000,25%) et Macky Sall (2012, 26%) sont arrivés au second tour accompagnés par un Sénégalais sur cinq. C’est dire que Bassirou Diomaye Faye élu au premier tour de la Présidentielle de ce 24 mars a fait place nette, en renvoyant toute la vieille garde et les jeunes pousses à une retraite sinon anticipée, du moins à programmer pour réellement apaiser l’espace politique et social.

Sa première apparition sous le manteau du président élu lève au moins un coin sur un voile généralement accepté, celui d’une serviabilité qui pourrait refuser de friser la servilité, vieille rengaine du nouvel entrant : si l’on peut penser à l’extérieur, on peut comprendre les hésitations quant à un récent climat social évoqué avec quelque gêne visible ; l’œil de Cain regarde encore les morts d’outre-tombe, et fragilise ce vœu d’une rédemption par loi d’amnistie : il poursuit les populations sénégalaises traumatisés par la parenthèse 2001-2023. C’est sur ce sujet qu’il fait comprendre que le président élu est prisonnier de sa liberté et de la jeunesse qui s’est sacrifiée pour le projet et dont l’attente est grande.

Le président élu veut moraliser sans exclusive ; on l’imagine Hercule devant les écuries d’Augias, suggestion d’autant plus forte qu’il a exhibé son balai durant la campagne ; il lui faudra restructurer et apaiser  le champ politique parce que la société : trop de démocratie tue la démocratie et fragilise l’Etat ; le Sénégal doit se passer d’investir en temps, en imagination, en énergie pour des résultats aussi décevants pour organiser un scrutin. Le pouvoir devrait enfin décider les acteurs  publics à ressortir des tiroirs la vieille perspective d’un Ousmane Ngom de restructurer le paysage politique. Pourquoi ne pas obliger d’office les 0% à s’agréger ? A ce niveau, le dialogue que Bassirou Diomaye Faye veut instituer comme forme de gouvernance transparente pourrait se heurter au désir d’apparaître d’acteurs sans envergure venus brouiller le message.

Il faudrait également imaginer le discours et les relations entre différentes parties socio-politiques qui se partagent l’espace social et à l’intérieur des formations politiques appelées à se restructurer, au prix de déchirements nés d’une nouvelle réalité au sein des partis. Par exemple, le communiqué de Benno se réjouit que le grand baobab soit resté debout au milieu du tremblement de terre de ce 24 mars ; il oublie de préciser que le candidat Amadou Bâ a fait face seul, devant la surenchère de Macky Sall qui a dressé les populations contre toute autorité, qui n’a accompagné le candidat boudé par l’Alliance pour la République que du bout des lèvres. Amadou Bâ aura pourtant mieux que Wade et Macky réunis aux premiers tours de 2000 et 2012. Il faudra éviter de perdre du temps à se repositionner sur l’échiquier entre étant dans une formation ou pas, comme la démission du président élu de ses responsabilités politiques.

Le nouveau président se veut au service exclusif du Sénégal ; pour cela, il a décidé de se départir de son habit partisan, premier pas vers une application partielle d’une conclusion politique majeure toujours proposée et jamais adoptée. Ses relations avec ses anciens camarades pourraient en souffrir, accentuées par ses nouvelles fonctions et la distanciation imposée par le protocole d’Etat. Clean par sa nouveauté, Bassirou Diomaye Faye ne fait pas exception : il n’a pas fait le départ historique du “défi des années 80” d’Abdou Diouf à la “gouvernance sobre et vertueuse ” de son prédécesseur. Différents sons tintent encore dans la tête des Sénégalais avec ces discours souvent plus émotifs que réfléchis, plus pamphlétaires, plus dans l’emphase.

Pour en finir, un dernier son : imaginez Amadou Bâ à la place de Bassirou Diomaye Faye ; vous n’y voyez que du feu, au sens second ?

Pathé MBODJE