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Dialogue National: Les désillusions d’une opposition abusée De notre correspondant à Matam, Habib KA, Thilogne

Dix-huit mois d’un dialogue national et 500 millions de francs cfa à l’eau, une opposition flouée par un boulanger qui roule tout le monde dans la farine : le Sénégal ressemble aujourd’hui à un sabar bou tass, avec Macky Sall tambour major. Comble de malheur : une troisième vague semble lester une troisième candidature que le président sortant essaiera coûte que coûte de porter, ajoutant aux dangers qui mettent en péril l’avenir du Sénégal.

Si les intentions qui prévalaient pour la convocation du Dialogue national visaient sincèrement à harmoniser le parti au pouvoir et son opposition, à rétablir un climat de sérénité, de respect mutuel entre les deux, à l’issue des discussions fécondes et généreuses, le Sénégal s’en porterait mieux. Tout le contraire de ce à quoi on assiste aujourd’hui, l’opposition est catégorique : elle a été flouée. Le pouvoir n’a fait aucun effort pour bouger les grandes lignes de divergences pour aboutir à un consensus sur l’essentiel, dans la concorde et la paix. Au contraire les choses se sont terminées en queue de poisson, chaque partie accusant l’autre de manipulation, d’absence de franchise, chacun renvoyant la balle, accusant l’autre de tous les péchés d’Israël.

18 mois d’un dialogue national et 500 millions de francs cfa à l’eau

Le Front de Résistance nationale (FRN), le Mouvement pour la Défense de la Démocratie (M2D), le Congrès de la Renaissance démocratique (CRD) et la Coalition Jotna ont fini de se convaincre que Macky Sall les a roulés dans la farine, qu’il ne respecte pas la parole donnée et qu’il “a trahi l’esprit du dialogue national”.

Ce dialogue national a abouti pour le président de la République à faire adopter par le parlement des lois strictes qui rendraient passibles de longues peines d’emprisonnement toutes manifestations de nature à troubler l’ordre public, des scènes de violences de vandalisme qui pourraient être assimilées à des actes terroristes.

Des lois qui dit-on sont restées dans le même esprit que celles réadaptées, qui cependant sont jugées taillées sur les mesures des partis, mouvements et organisations faisant de la résistance, de la contestation. Surtout ceux qui agitent un imminent remake des tristes événements du mois de mars dernier qui avaient pris de cours l’État du Sénégal et toutes ses institutions.

Si Abdou Diouf, chef d’État, avait habitué l’opposition à des élections avec toujours un large consensus électoral, avec Macky Sall, le code est soumis à de multiples modifications sans concertation avec les acteurs politiques. Il n’y a donc aucune chance pour que les élections soient transparentes, régulières.

Le front uni s’impose alors au FRN, au M2D, au CRD et à la coalition Jotna et les autres partis pour mener le combat contre le nouveau code électoral.

Certes, le pays est aux clignotants rouges, vu les propagandes alarmistes développées sur les menaces djihadistes et les réseaux terroristes, sans compter la croisade expéditive contre les LGBT : si elle n’est pas gérée avec conscience et raison, elle peut ébranler quelques fondamentaux des relations de l’État du Sénégal avec certaines puissances extérieures alliées.

Le conseil présidentiel dédié à la jeunesse, à l’issue de laquelle 450 milliards de francs cfa furent annoncés pour la formation et l’emploi des jeunes, peine encore à prouver que la jeunesse a commencé à percevoir les effets bénéfiques des mesures hardies prises par le chef de l’Etat ; apparemment, aucun signe extérieur ne montre encore que la jeunesse qui fantasmait d’être promue, revalorisée, a commencé à voir le bout du tunnel.

Le président de la République semble plombé par certaines initiatives qu’il entreprenait de développer pour irradier les frustrations d’une jeunesse désabusée oubliée, et qui avait opté d’user de la violence, d’attaquer des cibles d’intérêts de la France au Sénégal.

3ème vague, 3ème mandat

Le dernier facteur, assez coriace, c’est la troisième vague qui semble décidément ne pas faire bon ménage avec la 3ème candidature. Cette variante Delta, un intrus dans le champ politique qui risque de desservir durablement un président droit sur ses bottes sur le Yoonu 3ème mandat.

Alors que rien ne le présageait, suite à sa réélection confortable au premier tour, le président Macky Sall, sans aucune contrainte, tendait la main à son opposition pour un dialogue National.

Cette opposition avait-elle souvenance du rapport de synthèse de 2009 des Assises nationales, de la mission commanditée à la Commission nationale des Réformes des Institutions (CNRI) en mai 2014 par le chef de l’État ?

Macky Sall élu président de la République disait avoir signé les Assises avec réserve et que le rapport de la CNRI lui servait juste de source d’inspiration. C’était lui que le peuple souverain avait élu et c’était à lui donc que revenait la souveraineté de décider de ce qui était applicable et de ce qui ne l’était pas.

Comme dit l’adage, chat échaudé craint l’eau froide. Les participants au dialogue devaient réfléchir plus d’une fois avant d’y plonger, pieds joints, laissant à Macky Sall l’arbitrage des questions essentielles de divergences.

Le candidat Macky Sall, rempile dès le premier tour de la Présidentielle de 2019, avec un score de 58,20 % des voix. Ses supporters crient à une victoire éclatante qui lui permet de gouverner seul, sans entrave.

Contre toute attente, le chef de l’État initie une concertation avec l’opposition, sous le format de Dialogue national.

Celle-ci accourt à la main tendue du chef de l’Etat ; la grande majorité étant les recalés du système liberticide de parrainage.

Pouvaient-ils seulement se rappeler être les victimes d’un logiciel de parrainage dont seuls les services du président détenaient les clés des tris de validation ?

Avaient-ils souvenance d’un rapport de synthèse de 2009, issu des Assises nationales, que le candidat Macky Sall, une fois élu président de la République souligne avoir signé avec réserve ? Mamadou Lamine Loum, le dernier Premier ministre du gouvernement socialiste de Abdou Diouf, affirmait le contraire. Il avait bel et bien signé cette charte comme tous les autres leaders de partis politiques, restait formel celui-ci.

Se rappelaient-ils aussi que celui qui a inspiré le Yoonu Yokute avait commandité une mission en mai 2013, à la Commission nationale de Réforme des Institutions (CNRI) dirigé par le président Amadou Moctar Mbow ? Cette commande incluait tout ce qu’il fallait pour consolider l’Etat de droit, équilibrer les institutions, renforcer l’indépendance de la justice, approfondir la démocratie représentative et participative, rétablir la stabilité des institutions, cultiver l’éthique de la transparence et de la bonne gouvernance.

Dix mois consacrés, 700 millions de francs cfa de budget alloué, le travail fut réduit à sa plus simple utilité. En effet, le chef de l’État avait très tôt recadré la commission qui selon lui, sortait de ses prérogatives. C’était lui que le peuple souverain avait élu, c’est donc à lui de décider de ce qui est applicable, et de ce qui ne l’est pas. Le rapport devait alors tout au plus lui servir de source d’inspiration.

Pour une troisième, comme dit l’adage, chat échaudé craint l’eau froide, les partis et mouvements politiques participant au Dialogue national devaient réfléchir plus d’une fois avant de s’engager ; s’ils devaient y aller, ils devaient le faire avec le maximum de prudence, et s’entourer de garanties et de conditionnalités suffisantes. Au lieu de cela, ils y ont plongé, pieds joints, laissant au président Macky Sall la latitude d’arbitrer les points d’achoppement, des questions, somme toutes essentielles, des questions de divergence majeures laissées à sa libre appréciation.

De dialogue national, il n’y eut point. Toutes les propositions faites par l’opposition furent battues en brèche, sans concession. Au finish, le gain politique du camp de l’opposition, fut la suppression du parrainage, l’élection des maires et présidents des conseils départementaux au suffrage universel direct. Désormais, le maire est directement élu par les électeurs de la commune, à la différence du statu ante qui laissait le soin au collège des conseillers municipaux de choisir un des leurs, maire de la commune.

Des conseillers qui la veille du scrutin faisaient souvent l’objet de tractations internes, d’achats de voix.

Hormis ces deux points significatifs, l’opposition s’est laissée duper, consciemment ou inconsciemment. Elle avalisa, malgré elle, le jeu du pouvoir, en faisant reporter autant que faire se peut, tout le temps que durera le dialogue, les échéances des élections communales et le chamboulement certain du calendrier électoral républicain.

Les Législatives se tiendront-elles en 2023 et la Présidentielle en 2024 ?

Autre incertitude le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), créé aux seules fins de recaser une clientèle politique, tout comme le Conseil Économique Social Environnemental (CESE), dont les mandats sont arrivés à terme, et la date des consultations électorales inconnue puisque reportée sine die.

De ces “machins budgétivores” l’opposition ne peut concrétiser leur suppression.

Le président Macky Sall est le seul donc à tirer des dividendes politiques de cette concertation nationale. En plus du report des échéances électorales, pour cause de dialogue national, avec l’onction politique de l’opposition, le président de la république à su pacifier le climat social et faire des records de pêches de gros poissons, son sport favori. Oumar Sarr, maître Amadou Sall, Babacar Gaye, dans la nasse. Maitre Madické Niang, lanterne rouge de la Présidentielle de 2019, s’est retiré du champ politique, sur ndigël, même s’il est pressenti être maire de Touba avec la bénédiction de l’autorité religieuse de cette ville.

Issa Sall, du PUR, purement nommé conseiller du président de la république. Et le charismatique Idrissa Seck, arrivé second pour avoir su fédérer autour de sa coalition Idy 2019, plusieurs ténors de l’opposition qui espéraient emmener Macky Sall au second tour, pour s’en défaire plus facilement.

Du dialogue national, le leader de rewmi et candidat de la coalition Idy 2019, Idrissa Seck en a fait son dialogue avec Macky Sall pendant quinze mois francs dans les souterrains du palais pour récolter son fauteuil de président du Conseil économique social et Environnemental (CESE) et deux postes de ministres à ses lieutenants.

Des quatre candidats à l’élection présidentielle de 2019, seul Ousmane sonko est resté encore debout dans ses velléités de radicalisation, de résistance et de dénonciation, malgré l’épée Adji Sarr suspendue sur sa tête, et qui peut être activée à tout moment.