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Deux questions au Dr Mouhamadou Mansour Dia, chercheur spécialisé en sociologie des religions Entretien dirigé par Chérifa Sadany Sow

« Le Sénégal est une société communautaire »

On dit que le manque d’humanisme chez certains Sénégalais est provoqué par les autorités politiques avec leur mal gouvernance. Pensez-vous que cela puisse être possible ?

C’est faux. Les politiciens viennent de la société, ils sont des éléments, membres intégrants de la société. Ils ont nos mêmes comportements. Ils ne peuvent que suivre en quelque sorte la société.

Par rapport au manque d’humanisme, nous avons soit une communauté soit une société. La communauté, c’est le partage. Dans une famille, nous avons une communauté. Les raccords sont sincères, l’assistance est mutuelle, mais tel n’est pas le cas dans une société.

En Europe, nous sommes dans une société avec ce qu’on appelle une distance sociale. Nous donnons une chose et attendons une autre en retour, c’est l’individualisme. Or, au Sénégal, on parle de communautarisme. A titre d’exemple, parfois dans une famille au Sénégal, il y a qu’une seule personne qui travaille et à qui il revient de porter assistance à tous les autres membres de la famille, c’est dire que le Sénégal jusqu’à présent est une société communautaire avec assistance mutuelle des Sénégalais. Seulement, en ville, le sociétal gagne davantage du terrain. La vie communautaire disparaît de plus en plus et à la place on a l’individualisme mais nous savons que ce dernier n’est pas notre propre valeur. La valeur qui était une référence au Sénégal est le communautarisme.

Qu’est-ce qui selon vous a fait que les mœurs se sont détériorées au Sénégal ?

À ce niveau, je dirais que nous sommes à l’ère de la modernité : un changement social. Ce dernier constitue une sorte de bouleversement aussi bien des valeurs religieuses de tous les segments de la société. La modernité a ses propres valeurs et références. Les références, les valeurs, les modes de vie d’hier ne sont pas les mêmes d’aujourd’hui. Ce qui veut dire que les mœurs d’autrefois ne peuvent plus être d’aujourd’hui. C’est tout à fait naturel et c’est valable partout dans le monde. Vous savez le mode d’habillement de nos parents n’est pas comparable à celui de nos enfants. C’est ce qu’on appelle un changement social sur tous les niveaux. Donc je ne dirais pas qu’il y a une sorte de détérioration des mœurs, mais tout simplement que c’est un changement social, général.