Culture-L’art du mousoor filmé Il est langage codé
Culture-Cinéma : “Gifaart”
Une histoire de ‘’mussoor’’ ….
Il est avant tout art et langage, langage codé ; il révèle un art de l’accessoire, un art “digitata’’
Beau comme un ‘’mussoor’’…
Nous convoquons, à dessein, l’expression incandescente de Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont et si cet écrivain, orfèvre du télescopage des réalités et surréalités, se réveillait de son long sommeil surréaliste, il écrirait des lignes dorées sur le “mussoor’’ comme il a écrit ‘”Les chants de Maldoror’’.
Le ‘’mussoor’’, qui se traduit en langue wolof par foulard, est avant tout art et langage, langage codé.
‘’Dites-le avec des fleurs’’ mais il arrive souvent, au Sénégal et nulle part ailleurs que les fleurs soient remplacées par des ‘’mussoor’’…
“Dites-le avec des mussoor’’ et alors la magie recommencera parce que le “mussoor’’ révèle un art de l’accessoire, un art “digitata’’ car la dextérité, celle des doigts et de la main, fait l’art du “mussoor’’ comme le fil, le tissu et sa trame…
Au commencement était la femme et tout ce qui vient orner sa tête : tresses, couronnes, chapeau, foulard (mussoor) mais chaque objet choisi renvoie à une culture géographique et historique, renvoie à un territoire.
Plusieurs langages existent dans le “mussoor’’ et il faut savoir les décoder.
Foisonnement des couleurs où règne la femme et géométrie variable quant aux formes du ‘’mussoor’’.
Le “chant du mussoor’’ est un chant des tropiques qui monte haut dans le ciel…
Le “chant du mussoor’’ est le “chant des sirènes’’ de minuit…
Le mussoor surgit des rêves de la nuit qui précède le jour…
‘”Il y eut un soir, il y eut un matin’’…
Tous les matins du “mussoor’’ comme “tous les matins du monde’’…
Beau comme un “tagal”sans fin qui adresse sa prière au ciel…
Mussoor, tagal, messages, signes, insignes…
Le “mussoor’’ est aussi une signature et une seule, inimitable…
Le “mussoor’’ raconte des histoires secrètes qui viennent de la nuit des temps…
Oumy Ndour, réalisatrice inspirée du film “Gifaart ou une histoire de mussoor” et qui excelle depuis longtemps dans le film documentaire a donné la parole à des orfèvres du “mussoor’’ : elles parlent, tour à tour, de leur art suprême, l’art du “mussoor’’ ; la beauté est égalée, dans toutes les dimensions du fil.
Cette esthétique du “mussoor’’ n’a pas échappé à l’œil averti de l’artiste peintre Kalidou Kassé, “le pinceau du Sahel’’ présent dans la salle, comme l’artiste peintre mais aussi actrice dans le film, professeur de lettres modernes, Germaine Anta Gaye, pour ne citer que ces artistes que nous aimons et dont la réputation dépasse aujourd’hui les frontières du Sénégal.
Le “mussoor’’ est une figure géométrique unique, un dessin original surgi de nulle part ; sa forme ne se reproduit pas, elle existe une fois puis disparaît comme un dessin sur le sable d’une plage, après le passage de la vague…
Au long de la projection de ce flim documentaire, de 52 mn, présenté, samedi 11 juin 2022, en avant-première et devant un public ébloui, dans les locaux de la Délégation Wallonie-Bruxelles, la “beauté convulsive’’ s’est donnée à voir dans ses facettes multiples.
Elégance du port de tête, élégance du fil devenu tissu, élégance de la coiffe qui confine à l’identité visuelle et culturelle.
“Mussoor’’, qui suis-je ?
Des formes jaillissent d’entre les étoffes cousues d’or, le fil devient élégance posée sur une tête car le “mussoor’’ n’est pas un objet, le “mussoor’’ est une œuvre d’art portée par des artistes au sommet de leur art…
Le “mussoor’’ est un poème suspendu, comme un jardin suspendu…
Le “mussoor’’ vise à atteindre les points culminants, les points qui relient la terre au ciel, pour dépasser le vertige de la rotation : rotation du fil, rotation du cou qui porte la tête, rotation de la tête qui porte le ‘’foulard’’ ou “mussoor’’, rotation de la terre autour du soleil…
La place du “mussoor’’ dans les cultures de l’Afrique est grande mais les liens avec le “mussoor’’ universel ; celui qui est porté par les femmes de tous les continents reste permanent, même s’il ne tient qu’à un fil, le fil de la différence qui fait la richesse des peuples et des cultures.
Chaque fil du “mussoor’’a une histoire et une géographie ; chaque fil du “mussoor’’ raconte une histoire et souvent une belle histoire d’amour, perdu et retrouvé.
L’histoire du “mussoor’’ à travers les âges et dans les espaces du continent africain devrait être racontée un jour car chaque peuple – la population féminine- a appris à découper son tissu initial souvent unicolore pour lui donner plusieurs formes qui tiennent en une seule forme, la forme qui produit allure et élégance.
Il était une fois Gifaart ou l’histoire du “mussoor’’, un beau film documentaire sur le foulard dans tous ses éclats…
Signé : Oumy Ndour.
Gifaart est un nom d’origine Balante ; les peuples ont leur culture et les femmes nomment les objets créés pour elles et par elles.
Film documentaire aujourd’hui mais film tout court demain car tout n’a pas été raconté par la réalisatrice et la parole sera donnée, un autre jour, à d’autres fées du ‘’mussoor’’ qui diront ce qu’elles ont fait ici et ailleurs afin que rien de beau et de sublime ne soit perdu, pour les femmes et pour les yeux…
Porter un ‘’mussoor’’ c’est entendre une musique, la musique des formes, et celle que l’on entend en regardant ce film documentaire est une musique qui vient relever toute la beauté du ‘’mussoor’’…
Musique et ‘’mussoor’’ : choisissons l’une et l’autre…
GIFAART, une histoire de mussoor est un film à voir et à aimer…
O.GALADIO
14/6/2022