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Crise ukrainienne Gaz russe ou gaz américain ?

Crise ukrainienne 
Gaz russe ou gaz américain ?
En un temps très court, les exportations de gaz US et russe à  l’Europe ont été ont multipliées par trois. Une compétition explose dont l’Ukraine fait aujourd’hui les frais. Mais la crise ne devrait pas s’éterniser, contrairement à ce qu’affirme le président français Emmanuel Macron.
Par Vovo Bombyx 
La «  crise ukrainienne » qui vient d’éclater dans « l’Europe septentrionale » ou encore «  l’Europe polaire » apparaît comme une «  crise triple » :
1- guerre économique entre les intérêts russes et les intérêts américains ;
2- guerre politique entre plusieurs acteurs évoluant sur des continents différents d’où les médias ne sauraient être exclus ;
3- «  guerre militaire » qui se déroule sous nos yeux depuis quelques jours…
Nous nous pencherons avec la grille d’analyse qui est la nôtre sur la «  première guerre », la «  guerre invisible » ou encore la «  guerre économique » entre les intérêts russes et les intérêts américains.
Selon des sources fiables (Rystad Energy), les dépenses d’investissement des USA dans le secteur du schiste (gaz et pétrole) sont passées de 69.8 milliards usd en 2021 à 83.4 milliards usd en 2022, soit une hausse de 19.4%.
Il faut rappeler que la «  révolution du schiste américain » a débuté aux USA en 2005.En 2018 et pour la première fois, les USA sont devenus «  exportateurs nets » de gaz. Les réserves de gaz découvertes sur le territoire américain sont gigantesques et les coûts de production, y compris par  les méthodes du «  forage horizontal »,  restent relativement faibles.
Des usines de liquéfaction (transformation du gaz naturel en gaz naturel liquéfié) ont été, au fil des années, implantées sur le sol américain. La première usine de liquéfaction du gaz naturel a été installée en Louisiane (usine de Sabine Pass) en 2016 (il y a à peine 6 ans…). 
Il est utile de rappeler que l’Algérie a installé sa première usine de liquéfaction de gaz naturel à Arzew, en 1964… La deuxième usine de liquéfaction de gaz naturel a été implantée aux USA en 2018, dans le Maryland.
Comme nous pouvons le constater, la montée en puissance des usines de liquéfaction de gaz naturel est liée étroitement à l’exploitation, de plus en plus importante, du gaz de schiste. Les capacités de liquéfaction de gaz naturel ont été multipliées par trois en moins de dix ans…
Une stratégie qualifiée d’agressive se dessine clairement derrière ces investissements importants dans le gaz de schiste américain.
Il a été écrit que «  le gaz de schiste américain inonde l’Europe… » ; en effet, en un laps de temps très court, les USA ont multiplié par trois leurs livraisons de gaz à l’Europe et à la France…Or, dans le même temps, les exportations de gaz russe vers l’Europe ont également été multipliées par trois ; elles sont passées de 4.5 milliards de m3 à 11.5 milliards de m3 entre 2018 et 2019.
La compétition entre les deux gaz (américain et russe) est devenue visible dans l’espace européen…
Guerre des méthaniers qui transportent le gaz américain vers l’Europe sous forme liquide (le gaz naturel est comprimé six cent fois) et des gazoducs au départ de la Russie (Nord Stream 1)
L’Europe est regardée par la Russie comme un marché captif pour ses exportations de gaz naturel via la mer baltique (tracé maritime).
N’oublions pas que l’Allemagne importe 55% de son gaz à partir de la Russie.
L’Allemagne, en effet, a décidé d’anticiper sur la fermeture de ses centrales à charbon et a renoncé à installer des centrales nucléaires (un démantèlement des centrales nucléaires a été opéré).
Le projet du gazoduc russe Nord Stream 2 qui «  contournera » le territoire ukrainien et auquel plusieurs firmes occidentales sont associées (Engie, BASF, E.ON) à la société publique russe Gazprom, devait être certifié par l’Allemagne ; la « crise ukrainienne » a entraîné une suspension décidée par l’Allemagne de cette certification : le North Stream 2 ne sera donc pas mis en service avant plusieurs mois… Une véritable « collision » des intérêts américains et des intérêts russes se produit sur le territoire européen et comme tous les rapports de force, ce rapport de forces est appelé à évoluer certainement sous l’effet des guerres politique et militaire…
Il faut savoir que ni l’Algérie (exportateur de gaz) ni le Qatar ne disposent de réserves de capacités de production pour compenser l’arrêt des exportations de gaz russe vers l’Europe (40% des approvisionnements).
Le temps de réaction qui devrait permettre de retrouver une situation équilibrée paraît trop long…
Il faut rappeler, à ce stade, que les contrats commerciaux gaziers sont des contrats privés et que des conséquences qui excluront la «  force majeure » découleront de la suspension des livraisons de gaz à l’Europe.
La Russie sait qu’une alternative existe avec le «  débouché chinois », voire asiatique…
Un gazoduc long de 4.000 km (Power of Siberia) permet d’exporter le gaz russe vers la Chine… Il a été mis en service en 2019.
La Russie exporte 16.5 milliards de m3 de gaz vers la Chine et envisage à l’horizon 2025 (horizon proche) de multiplier par deux le volume des exportations à destination de la Chine…
Nous n’aurons pas le temps d’évoquer tous les « effets directs, indirects et induits » qui découlent de la mise en place d’une industrie d’exportation du gaz naturel et du gaz naturel liquéfié. Seraient concernés par une telle mesure des effets : les gazoducs, les méthaniers, le matériel de forage et de production, les usines de liquéfaction, les services, etc…
Une telle analyse permettrait de mettre en relation les industries intervenantes et réserverait de belles et étonnantes surprises en termes d’imbrication des intérêts économiques à l’échelle mondiale…
Enfin nous donnerons quelques statistiques relatives aux réserves de gaz dans le monde :
1- La Russie détient 24.2 % des réserves mondiales
2-L’Iran (un acteur qui pourrait jouer sa partition…) détient 17%
3- Le Qatar détient 12.3% des réserves mondiales
4- Les USA détiennent 4.4%
5- L’Arabie Saoudite détient 4.4 % des réserves mondiales, pour ne citer que les cinq premiers et indiquer juste les parts relatives (les volumes sont trop importants).
Compte tenu des nombreux enjeux et des nombreux acteurs, la «  crise ukrainienne » ne devrait guère s’éterniser…

Le monde actuel est fait d’intérêts croisés…