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Contribution: Confusions – Etat des lieux Babacar MBAYE Ndaak

En essayant d’écrire sur ce thème, nous voulons montrer la source de maints de nos problèmes. C’est à défaut de ne pas clarifier et de glaner des concepts fondamentaux porteurs d’orientation, d’organisation et de progrès, que l’on laisse s’installer la pagaille qui pérennise nos retards.

Notre pays regorge de talents dans tous les domaines mais nous ne pouvons pas les utiliser parce que nous n’avons pas installé des unités pour mesurer leur compétence et nous laissons les ignorants prendre les commandes des centres nerveux où ils font tout pour que les vrais ne les approchent et mettent à nu leurs lacunes ; ce sont eux qui entretiennent les confusions et contribuent à notre stagnation intellectuelle.

C’est pourquoi ceux qui recrutent se permettent et osent, quand ils recrutent, prendre des hommes et des femmes qui ne demandent rien que la seule possibilité d’être connus.

Voilà pourquoi dans ce pays, n’importe qui s’investit n’importe quoi :

– On y confond théologien (prêcheur, prédicateur, propédeute…) et islamologue (celui qui étudie l’Islam et peut-être n’importe qui, même un penseur athée dont certains ont écrit tant d’ouvrages sur l’Orient et l’Islam).

– On y confond scolariser (comme les bacheliers) et intellectuel. Il ne suffit pas d’avoir fait les bancs pour être comme nos guides ou Kocc Barma ou Cheikh Anta Dio dont les idées nourrissent et orientent leurs générations, leurs peuples.

– On confond journaliste et animateur qui confondent révélation, vedette, star, gloire et légende.

  • Bass Thioung est une révélation sûre
  • Waly Seck est une vedette confirmée
  • Youssou Ndour est une star
  • Khar Mbaye Madiaga est une gloire
  • Amath Ndiaye Samb est une légende

C’est ici que vous entendez des horreurs comme le terme « anciennes gloires ».

C’est ici que des révélations qui n’ont fait qu’un single sont élevées au rang de star et commencent à « porter leurs épaules » !

C’est qu’on confond artiste (créateur) et interprète (celui qui met en valeur la création)

– On confond comique, bouffon (qui font rire, surtout par mimiques), humoriste (talent qui crée, écrit et dit des intelligences qui font rire), comédien (homme de théâtre), acteur (cinéma surtout), conteur, etc…

 Le conteur est à la scène ce que le décathlonien est à l’athlétisme : il met en scène beaucoup d’aptitudes des uns et des autres pour tenir un spectacle (histoire, poésie, littérature, diction).

Voilà pourquoi ils confondent mayé (pour rire) et léeb (pour éduquer, pour former).

Ici, dans notre pays, on « clashe » (comme disent les rappeurs) la piraterie, alors qu’il y’a des auto-pirates, des pirates ordinaires et des pirates de luxe, des plagiaires stylés qui confondent copie et photocopie.

C’est ici qu’on confond homme politique (créateur de progrès) et politicien (trompeur de populations, menteur populaire).

Ici où aucun ordre n’est établi pour organiser et reconnaître les talents, leur donner place et positions méritées, ici ou la facilité et la médiocrité sont encouragées, contrairement à ce que nos illustres guides nous ont légué comme combat pour l’honneur (le savoir et la rigueur), ici où nous ne les lisons pas, nous ne les écoutons pas, on confond sëriñ (guide, traceur de voie) et doomu sëriñ (fils de guide qui peut avoir des mêmes prétentions mondaines hélas que les disciples !).

Voilà pourquoi nous subissons la tyrannie de ces citoyens particuliers dont je vais étaler une liste :

– les jumeaux ou jumelles, selon, ñaw lammiñ (langue fendue) et ñaaw lamiiñ (langue fourchue)

– lakklé, le trouble-fête qui dérange tous les ordres et les protocoles pour soutirer ceci ou cela sans vergogne.

– lëjlé, son frère qui s’accroche aux basques des gens civils et dérange leur intimité.

– soof, le cancre de la bande dont les apparitions font se disperser les assemblées. Il met devant sa petite personne et veut se faire passer pour ce qu’il n’est pas.

– laté : le cousin qui ne sait pas s’absenter et dont on ne veut plus.

– xewwi : dont les artifices pour être encore là aggravent la situation.

– cuuné : le nul qui prend de plus en plus la place de waané, l’artiste, le génie, l’ingénieux qui trouve réponses et solutions.

Voilà de quoi nous sommes malades.

Il faut avoir le courage de nettoyer les lieux sinon, nous continuerons à mettre l’accessoire au-dessus de l’essentiel et à ériger le bavardage organisé en terrain de diagnostic.

Il faut installer des paramètres, échelles et unités de validation de toutes les prétentions surtout dans la prise de parole publique !

Il faut un visa d’entrée dans l’espace public à toutes les formes de productions !

La parole incontrôlée est plus dangereuse qu’un produit empoisonné, il s’inscrit comme l’écriture dans le ciment frais, dans la tête des enfants.

A chaque fois que nous prenons la parole, nous devons faire attention à ceux-ci :

– ceux qui nous estiment

– notre famille

– ceux qui savent plus que nous et nous écoutent

– les hommes de Dieu dont nous pouvons blesser la morale et encourir la malédiction, nous n’avons pas le devoir de les décevoir.

Amusons-nous intelligemment, correctement.

Commençons avec la volonté de participer à l’élévation du niveau culturel de la nation.

Il faut pour cela s’armer de connaissances solides, irréprochables que seule la volonté de la recherche permanente procure. Se renouveler tout le temps.

Un pays se construit par des choix clairs, une organisation rigoureuse de la circulation de tout, de l’éducation, des métiers (Xam Xam ak méccé).

Pour terminer ce texte, je rappelle la belle remarque de mon grand-père Cheikh Mbaye Mbenda. Il disait et répétait que 4 sont en train de supplanter 4 :

1- La dahira (regroupement de disciples) bouscule la DAARA (école de formation théologique)

2- dagg encore appelé ger (la corruption) efface dëgg (la droiture, la vérité)

3- mandaa (du mot français mandat) remplace mânduu  (ne pas dire ou faire ce qui ne sied pas à votre statut de personne digne, respectable)

4- jangtukat (les ignorants qui affichent des prétentions par des artifices et des voies captieuses) prennent la place des jangkat (ceux qui ont le savoir et la pédagogie).

Regardons autour de nous.

Changeons.

Changez.

Babacar MBAYE Ndaak

Homme de Culture

Auteur-Artiste du récit