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Contribution : 2024, anti-esclavagiste ?

Idées & Débats

2024 : année électorale au Sénégal

ou année d’abolition de notre esclavagisme ?

2024 ne sera pas une année de l’élection présidentielle mais un référendum pour continuer à être consciemment vendus par nos connus esclavagistes ou réaliser une des plus radicales abolitions pour devenir les dignes propriétaires de nous-mêmes, les uniques responsables de notre futur, de la reformulation de notre système éducationnel, de l’exploitation et de la transformation de nos richesses pour le bien de chaque Sénégalais.
Une contribution de Alain Pascal Kaly

Le grand et hautain Sénégalais qui connaît tout est devenu nul volontairement en rédaction sur les thématiques de la politipourriture sénégalaise. Nous sommes un peuple d’esclaves (in)volontaire. Pour cacher notre vulgaire et volontaire esclavagisme, nous ne faisons que recruter et transformer de nouveaux candidats à l’esclavage. Passer à côté de la thématique sur notre (in)volontaire esclavagisme nous pousse à n’être qu’un peuple de morts-vivants. Le hors sujet (in)volontaire est devenu notre manière de cacher notre esclavagisme au nom de la sale et arrogante richesse. Nous nous sommes vendus pour des myriades. Un peuple dirigé par des dés-humains intermédiaires à l’esclavage économique, politique académique, culturel et théologique n’a aucun futur. Alain Pascal Kaly

Le trafic et l’esclavage pour les Amériques ont provoqué des changements démographiques, culturels, linguistiques, économiques, financiers, académiques, industriels, religieux, spirituels, humains, humanistes, politiques … jamais observés dans l’histoire moderne de l’humanité. Pendant des siècles, des millions d’êtres humains originaires de diverses sociétés, classes sociales, cultures, spécialisations professionnelles ont été transplantés en conditions de Nègres, c’est-à-dire du refus total de leur humanité. Cependant, depuis les terres de leur origine, durant la traversée et dans les différentes régions des Amériques totalement inconnues sur tous les plans – Amérique portugaise, espagnole, anglaise, française, hollandaise … – ces travailleurs hautement qualifiés ont eu à puiser et à (ré)inventer, à partir de leurs cultures politiques, de leur humanité et de leurs spiritualités d’origine, des moyens pour refuser d’être des nègres ou d’être toujours vus comme des Nègres insoumis.
Les bénéfices tirés du trafic, de l’esclavage et des exploitations dans les plantations ont lancé les bases du capitalisme ayant financé les révolutions industrielles, culturelles, politiques – révolution française surtout -, sociales …. Les processus de négation de l’humanité, de l’humanisme et les brutales cultures idéologiques, politiques, juridiques et théologiques pour transformer ces migrants involontaires en Nègre ont déclenché en eux des mobilisations individuelles collectives, politiques, spirituelles et culturelles qui ont changé drastiquement le cours de l’histoire des luttes contre le système. Ils ont lancé les bases des luttes politiques contre toutes les formes d’oppression, de négation de l’humanité, contre les politiques publiques (re)directionnées ethnico-racialement… Ces Africains et leurs descendants ont été et continuent d’être, dans le monde euro-américain moderne, les plus actifs et les plus nombreux et séculaires martyres pour une démocratie plus inclusive.
Contrairement à ce qui est enseigné par les livres d’histoire, même au Sénégal, ce sont nos ancêtres transplantés dans les Amériques qui ont lutté pour la reconquête de leur dignité, qui ont créé des mécanismes et des moyens pour des cultures d’altérité, d’interculturalité, de multiculturalisme et surtout de négation non seulement de l’existence des races mais surtout leurs hiérarchisations. Cependant, le paroxysme de ces mobilisations politiques dans toutes les Amériques s’est concrétisé avec la singulière révolution de Saint Domingue qui donna naissance à l’Etat d’Haïti au tout début du XIXème siècle.
Ces diverses mobilisations politiques et l’inexplicable idéologique succès de la révolution haïtienne pour les penseurs des mondes euroaméricains, ont eu à faire aussi des Amériques les meilleurs laboratoires pour mieux esclavagiser de manière sophistiquée et systématique les non-humains ou les sous-humains en terres africaines, asiatiques, pacifiques…
Avec les indépendances des Amériques, les élites des puissances esclavagistes ont perdu leurs plus riches colonies pourvoyeuses de leurs richesses mais aussi le pouvoir, les privilèges et leurs marques d’humains exceptionnels. Ces processus des indépendances ont provoqué automatiquement de drastiques changements des cartes des routes maritimes commerciales, de la géopolitique et de la géostratégie capitaliste. Mais comment faire maintenant pour ne plus être pris au dépourvu par les sous-hommes ou les non-humains, pour mieux répondre aux nouvelles exigences du capitalisme avançant en Europe Occidentale ? Le nouveau contexte capitaliste exige des matières premières, des marchés de consommateurs mais surtout la stabilité politique et sécuritaire. Comment réussir à esclavagiser et avoir le total contrôle des autochtones fins connaisseurs des géographies de leurs terres ?

Le dictionnaire Hachette Encyclopédique 2000 (1999, 656/70) définit esclavage comme étant  une condition, un état d’esclave. Par exemple : état de dépendance, de soumission à un pouvoir autoritaire. Le même dictionnaire définit l’esclave comme étant quelqu’un qui est sous la dépendance absolue d’un maître qui peut en disposer comme de tout autre bien. Une personne qui subit la domination, l’emprise de quelqu’un ou de quelque chose.
Il est évident que les conséquences néfastes des mobilisations politiques, dénommées par les historiens, les politologues et les scientistes sociaux européens et non européens colonisés académiquement de “révoltes” mais jamais de révolutions ont obligé non seulement les Français mais toutes les puissances esclavagistes à renommer leurs pratiques, leurs moyens, leurs nomenclatures, leurs mécanismes, leurs structures esclavagistes. Il se trouve que chaque nomination est un acte exclusivement politique, sécuritaire et idéologique pour le bien des esclavagistes.
Pour réduire toute possibilité de mobilisations politiques et armées de la part des nouveaux maintenus esclaves dans leurs propres terres dont tous les contours géographiques sont à leur faveur, leurs nouveaux propriétaires ont fait des réadaptations, des reformulations des moyens, des méthodes et des mécanismes autrefois utilisés dans les Amériques : les bateaux négriers presqu’inexistants, les chaînes sont maintenant invisibles, les pendaisons pour stopper et décourager toute mobilisation contre le système deviennent l’assassinat sélectif, les expositions humiliantes des corps des nègres punis au milieu du village, les impôts, l’exile définitif, la prison ... Le nouveau format d’esclavage est nommé par les esclavagistes de colonisation et les esclavagisés de colonisés pour faire idéologiquement croire qu’il y a une totale différence entre les pratiques esclavagistes des Amériques et les contextes africains, asiatiques…. Automatiquement, le nouveau format transforme les esclavagistes en bienfaiteurs, en philantropes civilisationnels. Pour faire croire qu’ils mettent en place des structures sanitaires, éducationnelles, politiques, culturelles, alimentaires, spirituelles/églises, esthétiques, vestimentaires … pour hisser leurs esclavagisés “modernes” à la condition d’humains, de civilisés préparés moralement et éthiquement pour valoriser le travail et la vie des êtres humains.
Etant sans le savoir, les nouveaux esclavagisés autochtonement travaillaient dans des plantations de monoculture imposée avec la conviction qu’ils “travaillaient leurs terres”. Pour compenser leurs pertes des Amériques vivrières, comment ne pas voir en ces pratiques une reformulation et une réadaptation des pratiques esclavagistes déjà mises en pratiques dans les Amériques mais qui avaient échoué à cause du refus catégorique d’être transformé en Nègre/un être inférieur ? Pour mieux cacher leurs pratiques esclavagistes et être en parfaite convenance avec les nouvelles normes du respect des droits de l’homme : les “prix” des récoltes des cultures commerciales sont fixées par les maisons commerciales françaises ; il faut payer les impôts après la vente ; il faut acheter des vivres venant de la France ou sous contrôle des grandes maisons commerciales françaises. Tout père de famille qui ne parvenait pas à payer l’impôt était jeté en prison. Y’a-t-il plus esclavagistes que ces pratiques économiques, juridiques et politiques ?
Comment nos éminents historiens et de toute l´Afrique dite francophone, politologues, nos excellents journalistes, écrivains et scientistes sociaux n’ont-ils pas perçu que la dénommée colonisation n’a été que la reformulation et la réadaptation des pratiques esclavagistes du XIXe et du XXe siècle au bénéfice du développement et de la modernité du capitalisme et de l’Etat français ? Nos valeureux intellectuels, nos journalistes, nos politiciens et nos enseignants n’ont-ils pas été et continuent d’être nos premiers et fidèles esclavagistes culturels, académiques, psychologiques, politiques, théologiques, psychiques et esthétiques ?
Était-ce une simple et pure coïncidence qu’une grande partie de nos politiciens, hommes de culture et nos historiens aient consolidé leurs formations dans les universités françaises ? Or, ce sont leurs professeurs de ces institutions de l’empire esclavagiste qui ont consolidé non seulement la périodisation de la brutale récente histoire de plusieurs régions du continent mais aussi rendu théoriquement celle-ci beaucoup moins déshumanisante que sa sœur des Amériques mais aussi les nominations et la théorisation de nouveaux concepts, de catégories et de définitions. Serait-il une pure coïncidence que ceux et celles qui auraient pu dé-esclavagiser les consciences, les corps, les esprits et lancer les bases d’une totale et complète indépendance politique, économique, culturelle, académique … aient été empêchés d’enseigner mais aussi de gouverner ?
La France a une longue culture de recruter et de placer ses plus fidèles intermédiaires esclavagistes dans des meilleures conditions. Les actes et les attitudes “gouvernementaux” de nos premiers présidents n’ont pas permis de très bien appréhender l’existence et la persistance des pratiques esclavagistes à ce que nous appelons le Sénégal. Cependant, les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall en plus de la découverte du gaz, du pétrole … ont permis d’appréhender clairement la vente mais aussi le maintien du peuple sénégalais à l’esclavage qui dure déjà depuis les temps de ladite colonisation territoriale. Mais aussi, ce sont les mobilisations extrêmement politiques des jeunes de toutes les régions qui sont en train d’exposer et de montrer, à la face du monde, les sophistiquées structures esclavagistes ainsi que les vrais intermédiaires “sénégalais” de l’esclavagisme. Leurs luttes sont en train de permettre de comprendre qu’il est possible de commencer le complexe et douloureux processus d’abolition de l’esclavage monétaire, politique, mental, adêmique, culturel … Comment ne pas voir en leurs mobilisations politiques des appels pour faire de 2024 une année d’abolition de notre (in)volontaire esclavagisme ?

Comme tout Sénégalais qui accompagne ce qui se passe dans son pays, je lis chaque jour des réflexions publiées. Pour mieux comprendre certaines réflexions, je dois toujours faire appel aux dictionnaires pour mieux percevoir la signification, le sens et le non-dit de telle et telle phrase. Chaque lecture me révèle toujours comment des Sénégalais maîtrisent vraiment la langue française, mais presque rien sur les complexes et subtiles ignobles places de la vente desdits Sénégalais mais aussi les laboratoires de domestication et de conditionnements contre toute possibilité de mobilisation politique contre le volontaire esclavagisme. Mais est-il possible qu’un auto-esclavagisé et profitard de l’esclavage perçoive qu’il est esclave ? Si nous sommes dirigés par des auto-esclavagisés, ce que nous appelons notre cher pays n’est qu’un entrepôt d’esclavagisés à l’attente d’être embarqués. Cependant, notre esclavage est à première vue analytiquement problématique dans la mesure où les esclavagisés ne quittent pas les entrepôts. C’est ici que les élites françaises ont été d’une génialité hors paire : ils ont créé une ingénierie esclavagiste extrêmement performante et d’une brutalité inimaginable car toutes les chaînes sont invisibles ; notre système éducatif qui ne forme que des cadres aveugles, insensibles et plus spécialisés pour la préservation du complexe processus de l’esclavge, l’invisibilité de percevoir que le franc CFA, “notre monnaie est une monnaie de Nègre/ des sous-hommes. Est-il possible d’affirmer avec conviction que le Sénégal est notre cher pays quand nous sommes tous la propriété des élites françaises ? De ce fait, l’air que nous respirons, les richesses du sous-sol, les richesses maritimes, la faune et la flore appartiennent aussi à nos propriétaires. Est-ce clair maintenant pourquoi les grands et hautains penseurs font hors sujet ?
2024 ne sera pas une année de l’élection présidentielle mais un référendum pour continuer à être consciemment vendus par nos connus esclavagistes ou réaliser une des plus radicales abolitions pour devenir les dignes propriétaires de nous-mêmes, les uniques responsables de notre futur, de la reformulation de notre système éducationnel, de l’exploitation et de la transformation de nos richesses pour le bien de chaque Sénégalais. Mais étant si profondément esclavagisées et vivant que des rentes de l’esclavagisme, nos élites politiques seraient-elles prêtes à renoncer à la vente de leurs « semblables » ?

Alain Pascal Kaly est professeur  à l’universidade Federal Rural do Rio de Janeiro, Departamento de História – UFRRJ, Seropédica