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Conduire et téléphoner: On s’est fait tous avoir par nos cellulaires ! Chérifa Sadany SOW

Est-ce que j’ai manqué quelque chose ?

Pour de nombreuses raisons, il est formellement interdit de manipuler le téléphone au volant. Ils le savent, les chauffeurs, mais, pour de nombreuses raisons, ils l’utilisent. Va savoir pourquoi…

Reportage !

N’est-ce pas que nous avons tous le Syndrome de Fomo “Fear Of Missing Out”, une nouvelle forme de dépendance ? C’est la peur de rater quelque chose.  Nous avons besoin d’être au courant des dernières actualités, d’être joignable à tout moment. Nous nous sommes fait tous avoir par nos téléphones, même les chauffeurs. Sauf qu’ils n’ont ni le temps ni le droit de pianoter sur le téléphone en conduisant. Comment font-ils donc pour rester branchés ?

« Je suis branché et très informé »

Vous manipulez donc votre téléphone en conduisant ?

« Non ! pas forcément. En fait, je sacrifie mes heures de sommeil pour jeter un coup d’œil sur les réseaux sociaux. Vers 14 heures, pendant que je déjeune, j’en profite pour consulter mes messages et surfer sur les réseaux. Ça m’empêche de dormir oui, mais je me rattrape le soir » explique-t-il.  Abdou Ly, il s’appelle. Jeune chauffeur plutôt taquin. Dans leur garage aux Parcelles assainies, il est la star des lieux, il se fait vite fait des amis, dont Ndiaga. Chauffeur aussi, il applique toutes les règles de conduite. Pour lui, l’utilisation du téléphone au volant représente un réel danger sur la route.

« C’est peut-être parce que je ne suis pas accro au téléphone mais je ne le manipule jamais en conduisant. A la descente aussi, je n’ai pas le temps. Je suis marié et père de trois enfants. Je travaille du lundi au dimanche. Mes courses se font entre Parcelles et Keur Massar ; une fois rentré, je consacre mon temps à ma famille », dit-il, convaincant, persuadé que le téléphone est le moyen le plus efficace de s’informer de nos jours, Ndiaga a une autre méthode. « Je me contente de la radio. Les chauffeurs se sont toujours informés grâce à la radio, les taximen en savent quelque chose : manipuler le téléphone distrait le chauffeur et cause beaucoup d’accidents. Je suis responsable, j’aimerais vivre longtemps avec mes enfants donc je ne ferai rien qui puisse mettre ma vie et celle des passagers en danger ».

Chauffeurs et vie de couple

Pour la construction d’une bonne base de relation, il est bien de procéder à la communication écrite ou téléphonique, surtout lorsqu’on n’a pas le temps pour se voir. En effet, cette angoisse d’être coupé du monde et qui rend les utilisateurs de smartphones quasiment incapables de résister au téléphone n’est pas le sort de ce jeune chauffeur amoureux. Lorsque son écran s’allume et qu’un message s’affiche, qu’il soit au volant ou pas, il se précipite sur son appareil pour une seule et bonne raison, l’amour.

« Être chauffeur m’a une fois coûté une petite amie, ça ne peut pas se reproduire. Mon métier n’était pas d’être chauffeur. J’étais étudiant chômeur et mon oncle en voyage m’a proposé de conduire sa voiture. C’est un métier très difficile qui demande une concentration totale. En tant que célibataire, j’ai besoin de communiquer avec ma petite amie dans la journée ».

Qu’est-ce-qui vous empêche de le faire le soir, après la descente ?

« Imaginez : je descends à 22heures. Avec les embouteillages, le temps que j’arrive chez moi, de prendre une douche avant de l’appeler, elle sera au lit, elle est étudiante. »

Comment vous faites donc pour communiquer avec elle pendant que vous conduisez 

« J’utilise mes écouteurs et j’entre en ligne. Elle me tient compagnie jusqu’à l’heure à laquelle elle rejoint le lit, ce qui coïncide à mon heure de descente. A part ça, je n’utilise pas mon téléphone, sinon pour le brancher et écouter Wally Seck », affirme-t-il en souriant.

Quel rôle y joue le client ?

Conduire les clients et que chacun manipule son téléphone peut paraître très gênant, selon certains chauffeurs. Il n’y a plus de communication entre chauffeurs et clients alors que cet échange est très important selon le vieux retraité qui supervise le garage. « L’échange entre clients et chauffeur permettait de tenir compagnie au chauffeur et de participer à la vigilance, pour parer à toutes les éventualités. Un client qui se concentre sur la route peut prévenir le chauffeur sur un danger qu’il peut ne pas voir, ça arrive : nous ne sommes que des humains. Mais maintenant, personne n’a le temps pour personne. On peut même changer de direction avec une mauvaise intention sans que le client ne s’en rende pas compte. ‘’Talou gnou dara ndax téléphone » dit-il sur un ton réprobateur.

Pour certains clients, le gémissement des freins suffit pour savoir qu’ils sont dans une voiture ; tout comme pour certains chauffeurs, ils n’ont pas de problème à ce que les clients manipulent leurs téléphones. Tous les deux se regroupent pour un but précis dans un laps de temps : « Conduis-moi, je te paye », « Monte, je te dépose ». Toutefois, ceux qui ont opté pour le métier de chauffeur ont du “pain sur les freins”. Aussi grande que soit l’envie de manipuler le téléphone, devront l’être la responsabilité et l’obligation de se conformer aux règles de conduite établies. Pour l’usage du téléphone portable au volant, la sanction sans complaisance requiert le retrait du permis de conduire ou que le conducteur paye immédiatement 6.000 francs CFA. Nul n’est censé ignorer la loi ! Au volant !