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Coin d’Histoire: Thierno Seydou Nourou Tall, Le dialogue islamo-chrétien quand cela ne se disait pas encore ainsi Par Mohamed Bachir DIOP

Dès que l’on parle de « famille omarienne », l’on pense à celui qui en a incarné l’esprit, ce rassembleur hors pair qu’était Thierno Seydou Nourou Tall. C’est le fondateur de cette grande famille d’érudits, descendants de Cheikh Oumar Al Foutiyou qui compte des disciples partout au Sénégal et au Mali.

C’est d’ailleurs au Mali, à Nioro du Sahel précisément qu’est né Thierno Seydou Nourou en 1862. Son père, Nourou est l’un des fils de Cheikh Oumar Al Foutiyou Tall et, naturellement, comme tous les descendants de ce grand conquérant de l’Islam, il apprend le Coran à fond et maîtrise parfaitement la langue arabe. Mais pour ce faire, il a fréquenté plusieurs écoles et s’est rendu auprès de plusieurs érudits afin de parfaire ses connaissances islamiques. Parmi les grands érudits et maîtres en sciences islamiques qui l’ont formé, il y avait un certain El Hadj Malick Sy, propagateur de la Tidjaniya au Sénégal. Il  est décrit comme un homme d’une intelligence vive, doté d’un courage, d’une finesse d’esprit et d’une endurance hors du commun, en plus de sa vaste culture arabo-musulmane. Ses contemporains ont toujours loué sa générosité, sa simplicité, sa grandeur d’âme et sa fidélité en amitié. C’est ainsi que toute sa vie, il a accueilli et soutenu la veuve et l’orphelin mais il était aussi l’ami et confident de nombre de hauts cadres de l’administration et de grands responsables politiques. L’on évoque d’ailleurs comme exemple de son ouverture d’esprit, les liens particuliers qu’il avait tissés avec le Clergé catholique et son amitié solide avec le Cardinal Thiandoum, le défunt Archevêque du Sénégal.

Un de ses biographes a écrit ceci  sur lui :

« Son grand guide spirituel El Hadji Malick Sy de Tivaouane, au soir de sa vie, lui aura confié ceci : « nos rapports sont ceux qui ont existé entre le prophète Mohamed (S.A.S) et Abû Bakr, nous sommes comme Arouna et Moussa, je te fais l’un de mes successeurs spirituels ».

Selon son biographe, EL Hadji Malick Sy, venait ainsi de « renouveler la relation mystique entre El Hadji Oumar Tall et EL Hadji Malick Sy, qui avant même sa naissance, avait été élevé par celui-là à la haute dignité de Khalife de la Tijaniya. Pour sa part, Thierno Seydou Nourou Tall a marqué les rapports entre ces deux grandes branches de la famille tidjane de son empreinte personnelle ».

Disciple et gendre d’El Hadj Malick Sy, il a été le continuateur de cette alliance privilégiée bien après le rappel à Dieu de ce dernier. Dans ce cadre, il jouera un rôle important dans l’installation du Khalife Serigne Ababacar Sy et plus tard dans la désignation de Serigne Abdoul Aziz Sy comme Khalife Général des Tidjanes.

Comblé des prières et bénédictions de ses grands maîtres, Thierno Seydou Nourou trouvera toujours satisfaction dans toutes ses entreprises. Dans cet ordre, entre 192O et 1959, les gouverneurs généraux, les gouverneurs des territoires, les commandants de cercle, reconnaissent unanimement sa contribution positive au maintien de la paix dans l’ex Afrique occidentale française et même au-delà.

Leur témoignage met en avant son abnégation comme sa disponibilité de tous les instants, son désintéressement et son incorruptibilité. Présent depuis la première guerre mondiale à tous les grands rendez-vous de l’histoire de l’Afrique noire sous domination française, Thierno Seydou Nourou Tall a su chaque fois user de son efficacité et de son savoir-faire pour contribuer positivement à la solution de très nombreux problèmes politiques et conflits sociaux.

Thierno Seydou Tall fut considéré comme un père par maints chefs d’Etat, en raison de la part qu’il a prise dans leur carrière politique et l’appui constant qu’il leur a accordé sa vie durant. Thierno Seydou Nourou Tall, l’Homme d’ouverture, de communication, de dialogue entre les cultures et les confessions, de tolérance et de compréhension à l’égard d’autrui, en somme le précurseur du dialogue interconfessionnel en Afrique et notamment du dialogue Islamo Chrétien au service de la paix, des droits de l’Homme et du progrès.

C’est dire combien l’homme et guide religieux aura été précieux pour son époque tant il incarnait la sagesse et le savoir-vivre et le désir ardent de rassembler toutes les communautés autour d’un idéal commun qui tourne autour de la paix, la justice et la tolérance.

Très modeste, il recevait toujours ses hôtes assis sur une natte dans la cour de son domicile où défilaient personnalités de haut rang et simples citoyens.

Il s’est éteint le 25 janvier 1980 et, comme un signe divin, des rafales de vent et un temps triste se sont invités ce jour-là à Dakar où il résidait.

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