Chronique : Un doute hors de tout doute
La chronique de Tidiane Sène,
Correspondant en France
Un doute indubitable
On parle beaucoup de paix, d’amour de la famille, de l’entraide et de la fraternité au Sénégal sur tous les plans, mais que nenni ! Les Sénégalais parlent beaucoup du bien et exècrent très souvent le mal dans leur langage. Mais dans la manifestation de leurs actes de tous les jours, ils font fi de tout ce qu’ils professaient comme noblesse et courtoisie. Que de familles religieuses disloquées en interne, et dont on ne parle jamais… Mystère et boule de gomme ! Que de conflits latents qui sous-tendent des intérêts liés à une simple ethnie, au prestige d’un patronyme, d’une confession répondant à un lieu comme durant les premières guerres de toutes sortes dans le monde ou, enfin, à cause d’une simple prédominance familiale !
Par ailleurs, que de partis politiques désunis ou en desquamation par manque de militants loyaux et de popularité ! Combien de coalitions de partis guerroient chaque jour pour de simples intérêts crypto-personnels au détriment de l’intérêt général ? Que de malentendus à tort ou à raison et de méprises non dissipées dans le landerneau social, politique et religieux ! À vrai dire, c’est comme si personne n’aime personne dans ce pays et que personne ne croit plus à son alter-égo, contrairement à ce qu’on débite très souvent dans les télés et les radios. La preuve est que nous continuons de trainer inéluctablement deux voire trois Korité et Tabaski chaque année que Dieu fait. Où est la confiance dans tout ça ?
Nous ne nous disons pas toujours la vérité sincèrement, quand il le faut et au moment où il le faut, par peur de représailles ou de tabous familiaux, religieux ou partisans. Nous nous caressons très souvent dans le sens du poil et pourtant nous nous détestons allègrement en même temps. Notre pays est difficile et mystérieux dans nos refus des vrais dialogues religieux, syndicaux ou autres. Sur le plan social, très souvent, l’aide prétendument octroyée à certains comporte toujours des relents panégyriques voire spectaculaires avec des drapeaux et de grandes affiches rien que pour se faire voir. Sur le plan politique, la dislocation récurrente de toutes les coalitions installées depuis des décennies montre à suffisance que les politiques se regardent en chiens de faïence, se détestent à vrai dire et s’anathématisent.
À Ngor, la bombe sociale entre les forces de l’ordre et les populations riveraines autour de la construction d’une gendarmerie ou d’un lycée montre à quel point la haine a atteint son paroxysme dans l’exercice de la citoyenneté. Aucune partie ne lâche du lest, pour l’intérêt supérieur de la Nation. Partout, le civisme méconnu de tous est absent ou complètement voué aux gémonies. Ailleurs, personne ne peut expliquer qu’à chaque fois que l’opposition se frotte au pouvoir, des morts jalonnent les rues. L’étude sociologique sénégalaise multi-complexe semble être l’une des plus bizarres du monde. En définitive, tous ces comportements liés à notre manière de vivre démontrent aussi que les Sénégalais aiment naviguer entre le faux et le vrai, comme s’ils étaient amnésiques à la lecture de l’histoire récente du pays. Laissez-moi m’hébéter encore une fois, la main dans la bouche !
Tidiane SÈNE,
Toulouse