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Cheikh Doudou Mbaye, spécialiste en santé publique: « Nous allons vers la recrudescence des cas » Interview réalisée par Pape Sadio THIAM

On parle de la possibilité d’une seconde vague de la maladie du Coronavirus. Partagez-vous cet avis ?

La Covid-19 étant un virus jusque là très méconnu du monde scientifique comme jamais une souche n’aura si bien inquiété, son développement semble fortement lié au comportement et la discipline des individus au-delà des mesures hygiéniques. Une seconde vague n’est pas à exclure vu le relâchement de la population comme un peu partout dans le monde et particulièrement en Europe. Ce qui est valable ailleurs n’est pas à exclure chez nous vu le comportement inchangé des populations.  Oui ce n’est pas à exclure et nous y sommes déjà vu la recrudescence des cas

Quelle lecture faites-vous du relâchement observé dans l’attitude des Sénégalais vis-à-vis de cette maladie ?

Le relâchement est dû à beaucoup de concours de circonstances. Dans un premier temps, un scepticisme grandissant dans la population face à la croyance de l’infection associé à une stratégie de dépistage qui ne donnait pas forcément les mêmes chiffres qu’ailleurs. A cela il faudrait rajouter un discours fanatique qui tendait à une vendre l’idée que l’infection est barrée grâce aux prières de nos érudits.  Ce qui est faux et totalement faux. Les politiques et scientifiques en charge de la réponse ont rendu compte aux autorités religieuses que grâce à leurs soutiens et prières, le virus n’avait pas eu un développement craint lors des manifestations religieuses. Cette satisfaction a amené une auto-glorification que le virus était vaincu sans une évaluation sérieuse des manifestations religieuses. L’image donnée par les politiques en meeting et séances d’auto-satisfaction n’a pas aussi aidé le Sénégalais lambda à poursuivre ses efforts.

On parle souvent d’un succès du Sénégal dans la prise en charge de la pandémie. Quelles sont les clés de ce succès ?

Succès? J ne suis pas certain mais ma position est scientifique et non politique. On ne peut parler de succès si on se base sur le port du masque qui n’est pas systématique, la prise de température qui ne se fait que dans des lieux disparates et bien de la haute bourgeoisie, la distanciation sociale qui est honnêtement inexistante vu les fêtes religieuses, baptêmes, mariages et politiques, l’utilisation de nouvelles technologies comme les appareils respiratoires développés par nos polytechniciens mais jamais commandés ni utilisés, la disponibilité des tests sous 24h alors que notre record de dépistage n’a jamais atteint 3.000 échantillons là où le Sénégal pouvait en faire plus de 25.000 par jour..

Succès ?  Je n’y crois pas mais plus une réponse politique par rapport aux coûts du tests. Si succès devait y avoir, nous serions déjà ouverts à l’espace Schengen par exemple.

Comment analysez-vous la récente augmentation des cas, notamment à l’intérieur du pays ?

Elle ne me surprend guère. Le virus est bien distribué et les rassemblements dernièrement tenus au Sénégal n’ont donné lieu à aucune évaluation sérieuse ni un testing des Sénégalais venus assister ne serait-ce qu’un échantillon par site. Les pèlerins rentrent de partout au Sénégal dans ses coins les plus reculés et il est très probable que l’infection ait suivi les traces des gens.  Il faut oser le dire. Maintenant, tous les critères qui font que notre pays fut classé deuxième meilleure réponse sur 39 pays dont le port du masque, prise de température, test disponible sous 24h, nouvelle technologie et que sais- je encore?, ne sont en réalité pas des choses que nous vivons au quotidien. Il faut continuer à prêcher le port du masque, la distanciation sociale, travailler à la démocratisation du test, un renforcé des centres de dépistage volontaire et anonyme puisque le vaccin frappe à nos portes; mieux, il faut pousser les gens à savoir leur statut face à la Covid-19, s’ils sont immunisés où pas avec l’avènement du test rapide à développé ici au Sénégal.

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