GMT Pile à l'heure

La Ligne du Devoir

Chaque jour est un Premier avril La faute à une société habituée du mensonge

Avril mois de blagues-« Ça ne pend plus »

 

Le poisson ne mord

plus à l’hameçon !

Les valeurs morales semblent être empoisonnées au moment où les blagues d’Avril ne marchent plus au Sénégal. Les gens ont assez entendu de mensonges et de fake News. L’honnêteté est par conséquent remise en question. Il est donc impossible désormais de déceler la vérité dans les discours : chaque jour est un Premier avril. Quelle explication ?

Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW,
Chef du Desk Culture

 

Ce n’est plus facile de se faire avoir en Avril. Les fausses informations inondent les réseaux sociaux à tel point qu’elles ont développé le scepticisme chez certains Sénégalais. Depuis, ils n’arrivent plus à différencier un canular et une bonne information. Le canular dans les médias a assez longtemps persisté. Impossible de ne plus douter de tout. Astou Diouf, scénariste, chargée de prod, donne son avis sur le sujet : « Le poisson d’avril, que ça soit au Sénégal ou dans le monde, est devenu une chose banalisée dans le sens où les blagues sont banalisées ».

Pour elle, la petite frontière qu’il y avait entre les blagues drôles et dangereuses n’hésite plus : «Le danger même a perdu de son sens parce que tout est motif à rire. Les gens rient de tout : du malheur des autres, des situations dangereuses, tristes et désastreuses ; on tourne en dérision tout ce qui nous entoure, que ça soit sérieux ou pas… tant que ça fait rire, c’est bon pour les gens. Je crois que c’est le fait d’avoir banalisé les choses de la vie à un point tel qu’on peut rire de tout qui fait que le poisson d’avril n’a plus son sens.»

Elle ajoute :«Donc plus besoin d’attendre le Premier Avril pour faire des blagues : c’est désormais tous les jours de l’année malheureusement. Eh oui, c’est une perdition des valeurs, c’est l’apologie du mensonge, du comique au-dessus de la vérité, des valeurs et principes. Les gens ne se demandent plus si c’est éducatif, si ça a un impact social ou quelconque. La première chose qu’ils se demandent quand ils veulent passer un message, c’est : «Est-ce que ça les fait rire ? ». J’ajoute que la comédie est devenue un moyen de ciblage, d’atteindre l’objectif numéro 1 et c’est très dommage dans le sens où on ne devrait pas rire de tout.»

Le Sénégal est-il devenu un pays où le mensonge fait la règle ?

Le poisson d’avril est passé de mode chez certains qui considèrent que c’est un truc d’enfant. D’autres disent être préoccupés par des choses plus sérieuses. Mais beaucoup, comme Abel Ndiaye, la trentaine, qui est très actif sur les réseaux sociaux, croient que la cause de cette indifférence sur ce mois de plaisanterie résulte des valeurs dégradées : plus personne ne dit la vérité et plus personne ne fait confiance à l’autre. « L’analyse sur cette question peut être vue sous plusieurs angles, à mon avis. Culturellement, c’est ce quelque chose que nous nous sommes “forcés” à faire. Après, pour moi, ce qui est le plus à la base de la perte de valeur du poisson d’avril est dû à l’éclosion des sites internet et leur mensonges répétitifs à longueur de journée.» affirme t-il.

«Si aujourd’hui la population est habituée à des informations fausses durant toute l’année, une blague en avril ne peut plus tromper grand monde. Ils ont réussi à nous habituer à ça et c’est en toute logique que le poisson d’avril au Sénégal ne surprend plus.
Comme vous l’avez dit, le mensonge est devenu la règle dans ce pays.» ajoute-t-il.

“ April fool” !

L’origine de la tradition du poisson d’avril est diversifiée dans plusieurs pays. Selon la documentation, dans la Grèce antique, il y avait une journée dans l’année qui était consacrée au dieu du rire. Il était en effet de coutume de faire des canulars à cette occasion. Toutefois, si au Sénégal il est impossible de tomber dans le piège des farces du mois d’avril, c’est que probablement le poisson est braisé par le feu du mensonge et de la malhonnêteté quotidienne.