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Certificat de Résidence: L’arme exclusive entre les mains des maires Par Habib KÂ, Bureau régional de Matam, Thilogne

La lancinante question des primo-votants refait surface avec les prochaines élections municipales et départementales, en perspective.

Votant traditionnellement pour la gauche, contre le pouvoir en place, l’enrôlement de la jeunesse sur le fichier électoral n’est pas sans conséquence. En effet, en faire admettre suffisamment pourrait bouleverser des plans.

Les maires sortants eux aussi ont le souci de contrôler prudemment le fichier de sorte à ne pas avoir la désagréable surprise de se voir débarquer sitôt par des venants d’ailleurs.

D’où, pour parer à ces difficultés, l’entrée en scène des certificats de résidence dont la délivrance est désormais devenue une prérogative exclusive du premier magistrat de la ville.

Quand il y’avait une espèce de 1er tour qui sélectionnait le collège des électeurs du maire et de ses adjoints, il était possible, pour quelqu’un capable de soudoyer les conseillers municipaux, de se faire élire avec la complicité de ceux-ci.

Aujourd’hui, les donnes ont un peu changé, même si ce n’est pas fondamentalement.

Le système majoritaire du raw gaddu, en fait, est toujours en place et il biaise une répartition démocratique des conseillers municipaux au prorota du poids réel des listes de leurs candidats, faute d’un scrutin proportionnel.

Les maires sortants sont conscients que bénéficier du choix du président de l’Alliance pour la République (APR) et de Bennoo Bokk Yaakaar (BBY) sur leur personne, ne suffit pas pour autant pour les prémunir du risque de vote sanction de leurs camarades rivaux membres du même parti ou de la même alliance.

Il s’impose donc aux maires sortants de s’entourer de maximum de garanties pour sécuriser les voix de leurs militants les plus sûrs.

Ainsi donc, très prudents ils récupèrent toutes les prérogatives de délivrance du certificat de résidence, sésame pour s’inscrire sur un centre de vote, et aussi contrôler le flux inconsidérable d’électeurs qui pourrait légalement être transféré dans la commune, à leur insu, par simple obtention du document administratif qui pourrait mettre en péril ses base de données.

Contrôler en aval ses électeurs et en amont les migrants peu sûrs est la seule conduite qu’ils espèrent mettre en application pour s’en sortir. Car au Sénégal, il serait très difficile pour la majorité des maires de se faire réélire sur la base de leur bilan, de leur gestion transparente et concertée des biens de leur cité.

Jusqu’ici le certificat de résidence était délivré automatiquement sur présentation d’un certificat de domicile signé par le délégué de quartier du lieu de résidence du demandeur.

Et, comme le primo-inscrit doit d’abord disposer d’un certificat de résidence de sa commune pour obtenir une carte d’identité nationale, obligatoire pour prétendre s’inscrire sur une liste électorale, le pouvoir ne peut pas ne pas être en alerte maximal pour surveiller le flux comme du lait sur le feu.

Macky Sall avait pris les devants, pour un coût de 50 milliards de francs cfa, en couplant carte nationale d’identité et carte d’électeur avec une option : ne vote pas pas.

Les maires n’ont aucun droit pour refuser de délivrer des certificats de résidence aux citoyens et même aux résidents étrangers qui en feraient la demande pour les besoins de leurs activités et services. En tout temps, le citoyen était libre de changer son adresse, son lieu de vote, chaque fois que c’était nécessaire pour lui.

Depuis 2019, l’inscription des primo-inscrits devait être automatique dès leur majorité, libre à eux de voter ou ne pas voter, même si cette masse électorale spécifique est présumée traditionnellement sensible pour l’opposition.

Le maire de Dakar-Plateau, Alioune Ndoye, a pris sur lui la délivrance des certificats de résidence à quelques jours de la clôture des inscriptions sur les listes électorales.

En effet, il s’est autorisé seul signataire de ce document administratif en dessaisissant les officiers d’état-civil de leur compétence de délivrer ce document administratif.

Le maire de la commune de Ndindy, dans le département de Diourbel, a refusé de délivrer des certificats de résidence à 60 personnes.

A Matam, le maire Mamadou Mory Diaw a tout simplement éconduit des journalistes de la RTS 5. Il aurait transféré des électeurs du village de Tiguéré, refusant à ceux de Matam la délivrance de certificats de résidence.

Dans cette commune, le préposé à la délivrance du document ferait dans la diversion un choix pour ne faire bénéficier du certificat que des gens de son même bord politique.

La campagne pour le contrôle des mairies est désormais ouverte, en attendant l’arbitrage du président Macky Sall pour le choix des candidats de sa coalition ; les maires sortants feront tout pour maîtriser et infléchir en leur faveur les inscriptions sur le fichier électoral.