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APR an XII: De l’espoir à la désillusion des pères fondateurs De notre correspondant à Matam, Habib Kâ

Les coras n’ont pas été pincées, les balafons frappés et, de la tribune, les plus-que-frères ne sont pas debout, épaule contre épaule sous le sceau de la concorde, de l’harmonie. Pour le douzième anniversaire de l’Alliance pour la République, il faut admettre que la fibre unitaire s’est rompue, la cohésion fraternelle dissipée, la confiance amicale dissoute. Et Lady Sings The Blues.

Sinistre anniversaire que celui de l’Alliance pour la République (APR), où ses hauts responsables et pères fondateurs ne sont pas de la fête.  L’on se souvient des moments de liesse d’une commémoration festive quand l’emblématique Moustapha Cissé Lô distribuait de flambants billets de banque, Demba Dia Rock Mbalax chantait le Wango devant un Macky Sall fort éberlué, tout sourire dehors, pendant que Yakham Codou Mbaye, avant de tourner casaque, s’enjaillait sur un plateau de télévision à casser du sucre sur son visage et celui de l’APR.

L’APR excelle dans la technique de mobilisation des foules avec ses caravanes de bus climatisés, de Ndiaga Ndiaye, de cars rapides, de 4/4 hyper sonorisées ainsi que leurs colosses, gardes du corps style GIGN prêts à bondir, de mbër réquisitionnés, de banderoles, de flyers, de militants rabattus des 14 régions du pays, des départements, des communes jusqu’au fin fond des confins des villages les plus reculés pour les uniformiser en marron-beige, casquettes vissées sur la tête.

Tout ce tintamarre n’a pas été convoqué à la fête d’anniversaire du Premier décembre 2020. Allez-y savoir pourquoi !

Machiavel est à un autre niveau d’analyse stratégique, de calculs personnels pour ses opportunités politiques.

L’APR, c’est du has been : elle a atteint sa limite de croisière lorsqu’elle a fini de servir de rampe de lancement pour mettre en orbite Macky Sall à la station de président de la République du Sénégal. En effet, le Secrétaire général de l’APR ne s’est jamais embarrassé de structurer, d’organiser son Alliance pour en faire un parti et qu’il l’a juste utilisée comme un moteur d’ascension.  Une alliance en proie à des querelles internes qui l’ont minée et fini par la dévoyer. Les militants des premières heures se sont entretués sans tirer leur épingle du jeu, sans se soucier des complaintes sourdes de leurs bases électorales, perdant du coup du terrain.

Conscient de cela et mis en alerte par les résultats officiels de la présidentielle de 2019 qui lui gratifia un 58,20 % contesté, et contestable d’ailleurs, Macy Sall s’est rendu  à l’évidence que la Diaspora, Dakar, Touba, la région de Casamance, se conjuguent Sonko ou Idy.  Il lui faut réagir au plus vite, au risque de sombrer, d’autant plus que certains de ses lieutenants étaient en train de prendre des galons, jouissant d’un avis favorable auprès des populations pour la prochaine élection présidentielle.

Sa trouvaille : snober ceux-ci et créer une nouvelle alliance suffisamment forte, capable de remporter les Municipales et les Législatives, puis marquer une pause, faire de nouveaux comptes avant d’emprunter le fin sirat (l’érèbe) pour la présidentielle 2024.

Normal donc si les coras n’ont pas été pincées, les balafons frappés et que de la tribune les plus-que-frères ne sont pas debout, épaule contre épaule sous le sceau de la concorde, de l’harmonie : il faut admettre que la fibre unitaire s’est rompue, la cohésion fraternelle dissipée, la confiance amicale dissoute.

ADD, seul rescapé de la cohorte de 2012

Du premier gouvernement de Abdoul Mbaye du 04 avril 2012, un seul rescapé dans le nouvel attelage, Abdoulaye Daouda Diallo, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances (MEF), chargé du Budget. Alors, que reste t-il de l’Apr pour aborder fièrement un sourire joyeux à la fête de la tête du cheval ? Lui-même Apr 1er, Macky Sall ferait triste figure de s’y montrer, solitaire, sous une robe marron.

En effet, des membres fondateurs de l’Alliance pour la République (APR) comme se le questionnait le directeur de publication du Devoir, Pathé Mbodje : que sont-ils devenus ?

La réponse est des plus aisées. Si vous n’apercevez pas leur bouille à la première rangée, c’est qu’ils sont passés à la trappe et qu’il ne reste à la table du banquet que quelques énergumènes friands de chocolats et de confiseries. Vous ne pourrez pas déplacer les corps alanguis de ces gens-là, et exiger d’eux qu’ils soulèvent la tête pour un sourire forcé.

Comment voulez vous que de fidèles compagnons du président de l’Alliance our la République, fidèles parmi les plus fidèles, qui n’ont rien à envier à son Secrétaire général, des têtes bien pleines, bien faites, bien pensantes, nantis de jom et de ngor, acceptent de se déshonorer pour simplement rester d’éternels ministres de la République, des laudateurs ?

Doivent-ils renoncer à leur être, à leur étoile, leur destin, s’anéantir pour un camarade de parti, un alter ego avec lequel ils avaient décidé de militer ensemble dans une formation pour une cause qui concourt à la conquête démocratique du pouvoir et offrir aux concitoyens un programme alternatif de développement plus promoteur, plus humanisant ? Parce que monsieur, le bienfaiteur, détient la clé du sésame, la signature qui nomme à toutes les emplois civiles et militaires, qui peut vous envoyer de l’enfer au paradis ou du paradis à l’enfer, vice-versa ?

L’APR n’a jamais été un parti structuré et l’argument facile que son président avançait, c’est que Wade était capable de prendre cette citadelle de l’intérieur pour la désagréger. Gorgui Wade a épargné Macky Sall et son Alliance. Il ne l’a jamais fait traquer, lui et ses cadres intentionnellement pour les envoyer en prison. La déstabilisation des militants de l’Apr est venue de l’intérieur avec des guerres de clans entretenus et un président qui n’a jamais voulu éteindre les tensions et comme le souligne l’ex-président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, Moustapha Diakhaté : “Macky Sall du atte xeex”, il s’en désaltère certainement alors.

Certainement Mahmout Saleh, directeur du cabinet politique du chef de l’État, trotskiste invétéré, peut, comme sa référence Léon Trotski, relire le livre de celui-ci , “La Révolution trahie”, qui, à bien des égards, ressemble fort aux complots que la présidence est en train d’ourdir pour renouveler son personnel politique et débarquer les réfractaires pour le 3ème mandat : c’est ce qui justifie ce coup de Toussaint.

En lieu et place d’un vrai remaniement, attendu pour balayer du gouvernement les médiocrités décriées par tous, le président de l’APR s’est ravisé in-extremis, pour déboulonner l’ossature de son attelage pour des calculs bien savants, des purges  staliniennes, l’Ofnac et les services de contrôles, aux trousses des imprudents.

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