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Aminata Touré “Mimi”-Alioune Badara Cissé: Les irréductibles Par Habib KA, Bureau régional de Matam, Thilogne

Depuis un certain temps, on assiste à des visites de pontes du régime, et pas des moindres, dans les bureaux de celle qui est désormais célèbre sous le sobriquet de dame de fer.

En effet, depuis son limogeage-surprise de la présidence du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Mimi s’est fait la religion qu’avec Macky Sall, si vous lui donnez tout, il vous marche dessus et après usage, vous emmène droit à l’abattoir. Il faut lui tenir tête, croiser le fer directement avec lui ; c’est un problème de rapport de forces ou de pression qui pourrait le faire changer d’avis.

D’ailleurs Macky Sall est reconnu comme tel : chez lui, rien ne se donne, tout s’arrache. Il se susurre dans son entourage proche qu’il n’a de compensation que pour ceux qui élèvent le ton ou râlent, que, si vous restez dans votre coin sans réagir, il vous laisse vous faire abattre.

Certainement aussi, elle a fini de comprendre qu’avec tout ce qu’elle a investi : retour au Sénégal pour participer à la campagne pour la présidentielle février 2012, se faire confier le poste très stratégique de directrice de campagne, puis, en 2014, priée de quitter la primature pour avoir perdu à Grand-Yoff devant le tout puissant maire de la ville de Dakar, qu’aucune personne des rangs de l’Alliance pour la République (APR) ne pouvait détrôner ; elle fut encore reconduite pour mener le parrainage et être à nouveau directrice de campagne, envoyée spéciale, présidente du CESE. Dans aucune de ses stations, le temps ne lui a pas été donné de poser ses repères, de donner une direction à ses actions.

Maître Aliou Badara Cissé dont tout le monde reconnaît la liberté de ton, le courage, la franchise de ses déclarations, avec Aminata Touré, c’est un duo infernal en préparation.

Aminata Touré est-elle sur le point de créer un parti, ou un mouvement qui ira en alliance avec des hommes, prêts à en découdre avec BBY et l’APR aux prochaines municipales, Législatives, à la Présidentielle de 2024 ?

La question du 3ème mandat est d’actualité, elle saute même à l’évidence. A l’allure où vont les choses, tout concourt à démontrer que Macky Sall est en train de remobiliser ses troupes pour forcer le passage. Le Conseil constitutionnel, lui, acquiescera, le moment venu.

Il est prêt à tout, quels que soient les dégâts que son forcing entraînerait et peu lui importerait l’avenir politique de ses plus proches collaborateurs.

Aminata Touré est consciente de cela, c’est pourquoi elle a pris du recul pour se mettre dans la posture d’entreprendre, de gagner.

RETOUR À L’ORTHODOXIE RÉPUBLICAINE ET A LA LIBERTÉ D’ENTREPRENDRE

Aminata Touré, pour qui connaît, est une femme de caractère, de principes. Une intellectuelle achevée, une des engagées, sinon la plus engagée parmi les Sénégalaises qui plastronnent en ce moment sur la scène politique. Mimi est l’exception, une militante trotskiste de première heure de la Ligue communiste des Travailleurs (LCT) aux côtés de son ex époux Oumar Sarr, brillant intellectuel, actuel ministre des Mines et de la Géologie, du très fin tacticien Mahmoud Saleh, ministre, directeur de cabinet politique du président de la république, et des Doudou Sarr, Bamba Ndiaye, théoriciens prolifiques.

Chez elle, la praxis politique conditionne tout, prime sur tout ; pour Mimi, la militante social-démocrate (elle se réclame telle), l’ambition fait foi et dira-t-elle, “dans un système politique concurrentiel, on ne reste pas assis à regarder passer les trains. Un politicien sans ambition, c’est un politicien qui ne vous dit pas la vérité. Bien sûr, encore faut-il que cette ambition ne soit pas dévorante et ne vous conduise pas à la déloyauté. Mais elle est le signe qu’on souhaite passer à une étape ultérieure, pour être encore plus utile au pays. Personnellement, je suis pour qu’on célèbre l’ambition saine”.

Une réponse sincère, courageuse à ceux-là du maquis qui leur prêtaient, à elle et aux défenestrés du Premier novembre 2020 du gouvernement, d’avoir des ambitions avouées de succéder à Macky Sall à la Présidentielle de 2024.

Toujours à ceux-là qui l’ignorent, qu’elle n’est pas enfant de chœur ou membre quelconque de l’Alliance pour La République (APR), et pour qu’ils se le tiennent pour dit, elle leur sert ceci : “Je rappelle qu’avant la Présidentielle de 2012, j’étais fonctionnaire internationale aux Nations-Unies, à New York, avec rang de directrice, quand j’ai pris la décision de venir soutenir un opposant (ce qui n’est pas si courant) ;  je l’ai fait par conviction, sachant que la victoire de Macky Sall était loin d’être écrite à l’avance”.

Sur les ambitions tues ou avouées qu’elle et les Aly Ngouille Ndiaye, ex-ministre de l’Intérieur Amadou Bâ, ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, etc… nourrissent pour succéder à Macky Sall, lui refusant toute légalité de candidater pour un 3ème mandat, Aminata Touré est sans équivoque. Elle se dédouane d’avoir créé un tel débat inutile d’autant que l’intéressé lui-même a clos les palabres depuis ; Macky Sall, dans l’essence de ses propos, n’est-ce pas, disait : “Je ne sais pas en quelle langue dois-je m’exprimer pour me faire définitivement comprendre. J’ai dit et redit avec moult détails que je ne peux pas avoir de troisième mandat. La chose est claire et limpide. Ce débat, je l’ai vidé moi-même”.

Cependant, le 3ème mandat est toujours là, pertinent. Mandat de trop, il est la pomme de discorde, le point de divergence fondamental avec celui qui déshumanise alliés et camarades de parti, celui qui fait renoncer aux ambitions personnelles, et à celles du parti pour être des wagons de la locomotive Macky Sall. Neuf ans, plus huit ans encore à poireauter au nom du “gouverner ensemble”, avant de reprendre sa liberté.  Plutôt le Parti socialiste, quarante ans au pouvoir, qui a signé son arrêt de mort. Un parti dont les leaders-patriarches sont devenus des porteurs de valises d’un jeune dissident libéral dont la formation venait à peine de souffler ses trois bougies. Le score du candidat Macky Sall au premier tour de l’élection présidentielle de 2012 dépassait ceux du PS et de l’AFP réunis. Leur maintien dans la coalition Bennoo Bokk Yaakaar n’a de sens que pour mettre un trait définitif à leur carrière politique.

Il en sera de même des militants de l’Alliance pour la République (APR). Et, elle n’a pas manqué, en d’autres lieux, dans d’autres circonstances, au sommet virtuel sur les limites de mandat constitutionnel en Afrique, notamment, de souligner que ce qui est attendu des dirigeants politiques, c’est le respect des constitutions, gage de la stabilité des pays.

Aminata Touré à une vision assez noble de la démocratie, de la cohabitation pouvoir-opposition, du fonctionnement interne des partis politiques. Parce que, pour elle, il n’y a de démocratie majeure que quand l’expression plurielle est assurée, les droits de l’opposition préservés. Pouvoir et opposition sont deux faces contradictoires d’une même réalité, qui s’affrontent, se complètent, se neutralisent, puis se transforment dans une osmose parfaite, propre à la loi dialectique, l’unité des contraires. Pour elle, le jeu politique n’est pas statique, mais dynamique, bien vivant. Des leaders sombreront, d’autres émergeront. Le jeu et le personnel politiques, ne resteront pas figés. Ainsi, pour elle, “la démocratie est un système concurrentiel qui a besoin de confrontation d’idées, de projets antagonistes, ce qui contribue à élever le niveau de conscience des populations”.

Alerte Maximale

Mimi Touré, directrice de campagne du candidat Macky Sall en 2012 et 2019 céder le fauteuil du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), troisième institution de l’État, et dire qu’il n’y a pas péril en la demeure, y’a de quoi être en alerte maximale.

Prenant tout avec philosophie, elle est restée imperturbable, déterminée, rappelant avec une pincette d’ironie que ce n’est pas la première fois qu’on lui fait prendre la porte, et avec quelles manières !

Des résultats du 1er tour de la Présidentielle 2012, Mimi peut espérer faire mieux. Surtout que la nouvelle configuration politique confirmera la descente aux enfers des partis comme l’AFP, le PS, Rewmi.

Abdoulaye Wade, PDS (942.546 voix, 34,82%),

Macky Sall, APR, (719.369 voix, 26,57 %),

Moustapha Niasse, AFP (357.347 voix, 13,20%),

Ousmane Tanor Dieng, PS (305980 voix, 11,30%),

Idrissa Seck, Rewmi (212.848 voix, 7,86%)

Tous ces candidats étaient soutenus par des coalitions de partis, vu les résultats mitigés que ceux qui dirigent le Sénégal engrangent et par rapport à leur emprise sur l’appareil d’État, les institutions de la République. Pour un pays de plus de 14 millions d’habitants en 2012 et dont plus de la moitié a l’âge de voter, on serait à quelques pas de remettre en cause la légitimité de ceux qui gouvernent la République.

Mimi la cadence accélérée peut faire mieux que Mariam Wane Ly du Parti pour la Renaissance africaine (PARENA), que la styliste sénégalaise Diouma Dieng Diakhaté, Amsatou Sow Sidibé de Car Lennen, que Aissata Tall Sall de “Oser l’Avenir”

Pour elle, elle ne se fait aucun doute, le Sénégal est mûr pour confier les destinées du pays à une femme. Ce qui importe le plus pour elle, c’est l’offre politique, la personnalité du candidat, ses valeurs intrinsèques. Le problème n’est pas un problème de genre mais un problème de compétence, de détermination à servir sérieusement et exclusivement son pays. D’ailleurs combien sont-ils chefs d’État à avoir spolié les richesses et entraîné leur pays dans le gouffre ? C’est pour dire que la question du genre ne trouve pas de sens au Sénégal ou des femmes ont longtemps été choisies à la place des femmes, pour leurs compétences, leur humanisme.

Elle peut rêver cette Mimi ; Premier ministre, elle aurait corsé son CV avec un poste électif à une mairie d’une commune, ou honorable députée à l’assemblée nationale et ceci serait très important pour la suite de sa carrière politique. Il lui faut, en effet, un ancrage sur une circonscription électorale, avoir une proximité affective avec la base, développer les structures de la localité. Cela, personne des maires ne fait mieux que Moussa Sy-Parcelles Assainies, Barthelemy Diaz-Fann-Mermoz-Amitiés, Khalifa Ababacar Sall-maire de la Ville de Dakar et ce n’est pas hasard si leur localité est accolée à leur nom.

Quelles que soient les responsabilités qu’un politique peut avoir dans le gouvernement, au sein de l’État, il a toujours besoin d’un poste électif, trait d’union entre lui et les populations, c’est ce qui fonde sa crédibilité.