Amadou Bâ : Émergent et propre
Amadou Bâ
Derrière les rideaux
Derrière ses airs polémistes, Macky Sall a une façon bien à lui de protéger ses amis : Amadou Bâ et Mankeur Ndiaye en sont une preuve et le Premier ministre, émergent, est un bon pari sur le futur, lui qui n’a jamais déçu
Amadou Bâ et Mankeur Ndiaye auraient été derrière les rideaux dès le départ, souffleurs de l’homme de l’Institut français des Relations internationales, en 2011, et l’actuel Premier ministre connu pour, en février 2014, être allé défendre le plan Sénégal émergent au Groupe consultatif de Paris…et avec succès. Il serait un bon continuateur de l’œuvre.
Macky Sall a le flair pour détecter des têtes d’œuf, même si les relations peuvent aller cahin-caha par la suite, comme avec le regretté Alioune Badara Cissé dont les abécédaires sortent d’ailleurs d’outre-tombe ce 14 juillet, date initiale de révélation du candidat de la majorité à la Présidentielle du 25 Février 2024. Un voyage opportun permet de prolonger une réflexion faussée par l’opportunité d’un ticket qui aurait permis d’aplanir les résistances ; ça n’est pas encore tard pour couper la poire en deux. Macky Sall en a jusqu’à mercredi pour étancher sa soif, en ces temps de canicule.
Il y eut également un moment de surchauffe avec Amadou Bâ dans l’exercice du pouvoir, chacun accusant l’autre d’essayer de renforcer ses assises au détriment de l’autre : l’affaire Sonko donnait déjà quelques signes dès 2016 avant la crise ouverte de la Toussaint 2020 avec ces accusations d’ambitions politiques qui jetteront un froid dans les relations entres Amadou Bâ, Aminata Touré Mimi et autres avec un président de la République rétif à toute allusion vers 2024. Amadou Bâ survivra dans ce tiercé, enfermé dans un carcan des Affaires étrangères sans beaucoup d’envergure pour un ministère de souveraineté, entrant et sortant au gré des consultations locales, par Marième Faye Sall essentiellement, prié d’aider à élargir les bases de Macky Sall dans une capitale qui boude le chef de l’Etat depuis les années 90 ; il y échoue, même s’il parvient à réduire le gap, de 35 à 48 pour cent, ce qui explique sans doute la « surprise » de certains lorsqu’il est nommé Premier ministre en septembre 2022. Là, il rasera les murs pendant neuf mois, avant d’affronter les spots à la lumière des douloureux évènements de juin ; depuis, comme s’il attendant le top départ de son patron, il délimite son espace vital avec une espièglerie qu’on soupçonnait derrière l’homme sémillant.
Mutatis mutandis, Mankeur Ndiaye empruntera le même chemin de croix : le fameux discours de Macky Sall à l’Institut français des Relations internationales (Ifri), c’en était lui le cerveau, Macky Sall le lecteur d’un document inaccessible par sa hauteur à un opposant en migration constante ente 2008 et 2012 (1). Certes, Macky Sall est un grand intellectuel, pour ceux qui ne voient que l’ingénieur, ingénu et génie confondus, lui qui lisait jusqu’à trois ouvrages par semaine, en tout cas jusqu’en 2008, au moment de son départ de l’Assemblée nationale pour sa propre traversée du désert.
On connait la suite pour l’enfant de Dagana, entre les Affaires étrangères, l’industrie extractive, la parenthèse onusienne de la République centre africaine, avant un retour-surprise avec une « prise de fonction à la présidence de la République » début avril, après un moment de flottement. Le retour de Omar Sarr et de Aida Ndiongue, dans la foulée de l’élection de Abdou Mame Diop à l’Assemblée, a pu faire penser à un renforcement des ressources humaines par le département, Mansour Faye ayant quelques difficultés au niveau de la commune de Saint-Louis, lui quelque temps perçu comme candidat potentiel à la course de février 2024.
Quant à eux, Aminata Touré et Alioune Badara Cissé se disaient partenaires majoritaires de l’Alliance pour la République pour en avoir été les cerveaux, aussi bien dans la formation du groupe que dans le programme du Yoonu Yokkuté, une composante qui donnera le plan Sénégal émergent auquel il a été fusionné, avec l’éternel et inamovible programme de lutte contre la pauvreté (Drsp) et le programme «Sénégal 2035 » de la haute administration sénégalaise.
Amadou Bâ semble le seul à avoir échappé au mythe du dieu cannibale et castrateur et a survécu aux différentes tempêtes ; certains estiment que cela est du à celui qui le manageait jusque lors, sous des dehors parfois heurtés et qui lui soufflait, derrière les rideaux, de ne pas trop s’en faire : « Alors si Macky Sall cherche quelqu’un qui sera en mesure de porter son programme de décollage économique qu’il a promis aux Sénégalais, Amadou Bâ semble être un profil intéressant : n’a-t-il pas été au cœur du dispositif qui est à l’origine du fameux plan « Sénégal émergent » ? C’est lui qui avait pris langue, dès le départ avec le Groupe consultatif de Paris, en février 2014, pour défendre la pertinence du plan « Sénégal émergent » qui méritait selon lui un financement, afin de permettre au Sénégal de sortir du bourbier qui l’empêche de se placer sur les rails du décollage économique ». Il est en effet inconcevable que le bel élan infrastructurel soit freiné.
P. MBODJE
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1-Conférence de Macky Sall à l’Ifri
du 29 novembre 2011
Quelle politique étrangère pour le Sénégal ?