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Air du temps: Pré-crise ? Maires indélicats, parrainage, découpage administratif De notre correspondant à Matam, Habib KA, Thilogne

Quand le chef de l’État Macky Sall raisonnait les maires et présidents des Conseils départementaux sur le danger qu’ils font courir à leurs collectivités en vendant ses terres, il était supposé que des mesures coercitives allaient s’en suivre pour punir les fauteurs et récidivistes.

Malheureusement ses propos ne furent pas suivis d’effets, les édiles continuant de plus belle d’aliéner tous les espaces au point qu’il n’y a plus de terrain disponible pour réaliser un lycée, un hôpital, un lieu de culte, un complexe sportif, toute infrastructure nécessaire et indispensable pour l’aménagement d’un véritable cadre de vie. Au rythme donc que progressent ces spéculations foncières, les générations futures auront tout le mal du monde pour trouver un environnement propice pour vivre décemment.

C’est que les conseillers municipaux, ruraux et maires ont une toute autre relecture de la réforme de l’Acte III de la décentralisation. Pour eux, compétences transférées riment avec droits de préséance sur toutes les terres qui sont du ressort de leur territoire administratif.

Ainsi donc les Municipales pointant à l’horizon de janvier 2022, et soupçonnant de ne pas pouvoir rempiler, l’on assiste à une recrudescence de la délinquance foncière ; certains maires engagent une course contre la montre pour vendre le maximum de terrains possible, jusqu’au jour de passation de service, quitte à antidater les actes.

Comme le viol, le vol de bétail, sinon plus, la spoliation foncière est un délit criminel et elle doit être juridiquement assimilée comme tel. Rien, en effet, ne peut justifier que munis d’un simple mandat temporaire de cinq ans, donné au cours d’un scrutin par des citoyens de la commune, une équipe municipale et son maire s’approprient les biens propres de toute une collectivité pour en faire à leur guise. Des maires prêts à tout pour brader les réserves foncières à des opérateurs économiques, des investisseurs étrangers, qui au bout du compte disposent d’immenses domaines privés à de vils prix, pendant que les administrés impuissants se voient déposséder de leur patrimoine, de leur héritage historique.

N’est-ce pas un vol aussi grave, sinon plus que celui du bétail, un viol du droit des citoyens de disposer de leurs terres ?

Le chef de l’Etat Macky Sall est très conscient de ce fléau qui gangrène les collectivités territoriales, puisqu’il reconnaît publiquement que “des groupes agro-industriels qui viennent, qui obtiennent 200 hectares, 500 hectares, ce n’est pas possible que l’Etat laisse faire” ; si le chef de l’État portait un regain d’attention sur les terres, objet de toutes les convoitises, il sévirait et toutes les spéculations s’estomperaient. Mais tant que prospère cette complicité du silence des autorités qui ferment les yeux sur des transactions illicites, pire qui sont les premières à en bénéficier et en redemander, c’est sûr que le système de vol, de bradage aura encore de beaux jours devant.

Cette semaine particulièrement, partout dans le Sénégal, des scandales fonciers sont arrivés à un degré d’exacerbation que l’autorité locale ne peut plus les étouffer. Les scandales explosent de partout et créent des crises. Les populations sortent, revendiquent, la gendarmerie, appelée à la rescousse pour le maintien de l’ordre, ne trouve mieux à faire que de mettre les manifestants aux arrêts, les intimidant, se rangeant naturellement du côté des investisseurs. Comme si l’administration est en train de protéger, d’encourager la délinquance foncière, l’expropriation injuste des paysans de leur terre. Si Macky Sall donne foi aux propos cités plus haut, il réagira dans le sens d’un dénouement heureux pour toutes les parties.

Comme il vient d’enjoindre les préfets et les élus locaux de diligenter, sous huitaine, les dossiers transmis pour un nouveau découpage administratif de Bambilor, Sangalkam, Keur Massar, il aurait signé, pour préserver les terres des collectivités territoriales, un décret interdisant toute transaction avec les communes en attendant une nouvelle règlementation, de nouvelles équipes à la tête des communes.

Si Macky Sall veut prendre des mesures de sauvegarde, préserver les terres pour les générations futures, il le peut. Il lui suffit simplement de manifester sa volonté comme il vient de le démontrer avec le projet de réforme du découpage territorial de Diamniadio et autres, alors qu’on est a quelques neuf mois près de la date qu’il a unilatéralement choisie pour les élections communales, il ne s’est pas encombré de formalité pour sa réforme même si celle-ci entraîne des confusions sur le programme du calendrier électoral. Macky, quand il veut, il peut.