GMT Pile à l'heure

La Ligne du Devoir

ABC–Le B.A Ba du raisonnement raisonnable ! Par Mohamed Bachir DIOP, Rédaction centrale, Le Devoir

Ce 7 mars 2021, Alioune Badara Cissé, médiateur de la République a encore distillé ses cours de bonne conduite. Il est évident que sa sortie face à la presse a été pédagogique pour le président de la République, Macky Sall qui en a pris de la graine. Et sans doute aussi au ministre de l’Intérieur Félix Antoine Diome qui, pour sa part, s’est senti dans ses petits souliers puisqu’il n’avait pas appris sa leçon. Car si le peuple, excédé par les abus des gouvernants, s’exprime dans la rue, le mieux est de le regarder droit dans les yeux et lui parler en toute franchise, sans malice ni faux-fuyants. Si Macky Sall l’a bien compris qui s’est rectifié, Félix Antoine semble n’avoir pas encore bien assimilé ses cours, aussi arbore-t-il son bonnet comme le bon dernier assis au fond de la classe.

« Son rôle en tant que garant de l’ordre est de faire le “méchant” pour que les bandits (ñi ci raaxaloo) parmi les manifestants et les ennemis du Sénégal qui seraient tentés d’infiltrer et d’amplifier le mouvement par quelques moyens que ce soit de se le tenir pour dit et sache que l’État du Sénégal ne faiblira pas.

En montrant la fermeté de l’État dans un premier temps et en ne cédant rien, il permet ainsi dans un deuxième temps au Chef de l’État de faire baisser la tension par un discours plus consensuel est plus rassembleur. Noonu la de. », affirme un certain Serigne Mbacké Dieng. Admettons.

Macky Sall en revanche est un bon élève mais c’est un « parcoeurisard » qui semble quelque peu réciter de mémoire sans pouvoir disserter avec bonheur sur le sujet proposé. Car son adresse à la Nation du 8 mars, journée dédiée à la Femme, n’a pas été à la hauteur de la leçon dispensée par l’abécédaire de la sagesse qu’a été le médiateur un seul jour avant que lui-même ne tente de rassurer les Sénégalais. Trois jours d’émeutes sanglantes n’auront pas suffi à lui prouver que la colère populaire pourrait l’emporter comme le vent en ferait pour un fétu de paille, il aura fallu que son « ami » et cofondateur de l’Alliance pour la République (APR) lui rappelle pourquoi il a été élu pur qu’il reconnaisse ses erreurs flagrantes et qu’il tente de se rectifier.

Sur ses politiques en faveur de l’emploi des jeunes, sur le nécessaire dialogue avec son opposition qu’il a toujours tenté de réduire à néant, sur la précarité des conditions de vie de nos compatriotes, Macky Sall a été obligé de reconnaître son échec patent. Et de promettre qu’il fera mieux dorénavant, alors qu’il a eu neuf bonnes années pour s’améliorer ou, à tout le moins, essayer de respecter un tant soit peu ses promesses électorales.

ABC lui a demandé d’avoir de l’empathie pour son peuple, de parler à la jeunesse plutôt que de la menacer et il semble avoir compris. Sauf que la seule mesure qu’il prend est d’alléger le couvre-feu de rigueur pour cause de pandémie de la Covid-19 avait-il soutenu, mais qui se révèle avoir été motivée par une intention inavouée de maîtriser toute velléité de manifester contre sa volonté de préparer un troisième mandat. Ce troisième mandat qu’il a évité volontairement d’évoquer dans son discours du 8 mars, peut-être par malice mais sans doute pour ne jeter de l’huile sur le feu qui s’est déclenché avec l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko.

Mais la leçon a été révisée. Un peu d’apaisement de la tension sociale a été constaté lorsque Sonko a été relâché, sous condition certes mais, dès que ce dernier a rejoint son domicile à la sortie du tribunal, les tensions se sont émoussées. Pour combien de temps encore ? Cela dépendra sans doute de l’attitude de son gouvernement qui ne supportait jusque-là aucune manifestation populaire, fut-elle pacifique. Continuera-t-il à gouverner par la répression inutile ? Laissera-t-il ses autorités administratives n’en faire qu’à leur tête comme le préfet de Dakar qui fait arrêter qui il veut, quand cela lui plaît ? Et son ministre de l’Intérieur qui fait preuve d’une arrogance de mauvais aloi au moment où le dialogue et la concertation devaient être de mise ?

Reste à savoir si la sagesse que préconise ABC sera de rigueur pour le futur, un futur incertain pour un régime qui se cherche encore.

Le Devoir