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A 7 mois des locales, Macky opère un vaste chamboulement du commandement territorial et introduit deux projets de lois “antiterroristes” à polémique Fanny ARDANT

Le président Macky Sall semble ne pas se remettre des événements du 8 mars dernier et sa tournée économique dans le nord émaillée de violences.

L’allure martiale, il avait clairement indiqué qu’il “n’aimait pas voir rouge”. Face à cette contestation populaire, il promet que “ça se reproduira plus”.

Et là on assiste à la concrétisation des paroles. Sinon comment comprendre qu’à sept (7) mois des élections locales le président Macky Sall opère un chamboulement du commandement territorial lors de la réunion du 23 juin 2021 ?

Cinquante (50) nominations. La plus commentée reste celle de “préfet gazeur” Alioune Badara Samb, précédemment préfet du département de Dakar, promu gouverneur de la région de Saint-Louis. Et l’insolite, la nomination de l’adjoint au préfet de Thiès, Moussa Gadio, décédé en février 2021, comme sous-préfet de l’arrondissement de Bandafassi.

Et aujourd’hui, ne serait-il pas en train de se doter d’une arme juridique pour se défaire de ses détracteurs ?  Deux projets de lois ont été proposés aux députés portant la modification du code pénal et du code de procédure pénale. Ce, au nom de la lutte contre le terrorisme. Mais pour l’opposition parlementaire ces modifications visent fondamentalement à assimiler l’exercice du droit de manifester à du terrorisme. Ils estiment que ce projet de loi est liberticide.

Le leader du Pastef Ousmane Sonko regrette que cette loi “liberticide confisque toutes les libertés. Macky Sall sait très bien que la communauté internationale est très sensible à tous ce qui relève des questions de terrorisme. Il nous fait un projet de loi liberticide, un projet de loi de confiscation de toutes les libertés et de tous les droits, qualifiant de terrorisme toutes les infractions, y compris les infractions mineures qui étaient déjà cataloguées par le code pénal et le code de procédure pénal”, dit-il.  Selon lui, Macky Sall classe toutes ces infractions dans la rubrique terrorisme, y compris les infractions politiques, pour pouvoir se servir de cela avec son procureur, avec son juge avec son ministre de la justice pour casser de l’opposant et perpétuer ou confirmer son projet de troisième mandat au Sénégal.

De son côté, Cheikh Bamba Dieye qualifie cette situation d’extrêmement grave. “Il s’agit dans le nouveau dispositif de faire en sorte que tous ces actes deviennent des actes illégaux et que chaque acte puisse être pointé du doigt et qu’on puisse le catégoriser comme étant un acte terroriste et, par ce fait, la sanction ultime, c’est d’être condamné à perpétuité”.

De l’avis de Déthié Fall, avec cette loi, le président de la République Macky Sall entame sa marche vers un troisième mandat forcé. D’après lui, “il veut contrôler nos vies jour et nuit dans notre intimité la plus absolue et se donner la possibilité à travers ces manigances de nous retirer des libertés ou de nous en attribuer suivant ses désirs”, assure le député.

“Le président Macky Sall veut plus de droits que la constitution ne lui a donné. Il veut récupérer par une loi ordinaire des lois constitutionnelles”, ajoute-t-il.

Et quant à la société civile, elle appelle au sursis du vote.  “La Rencontre africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO), la Ligue sénégalaise des Droits Humains (LSDH) et Amnesty International Sénégal ont pris connaissance, avec surprise, du libellé du nouveau texte de l’article 238 du code pénal incriminant le crime d’association de malfaiteurs au Sénégal, en rapport avec le crime de terrorisme”.

Ainsi, la société civile considère que ” tout regroupement serait désormais potentiellement constitutif soit du crime d’association de malfaiteurs, soit du crime de terrorisme. Une telle loi remettrait substantiellement en cause le droit à la manifestation et de façon générale la liberté d’expression”.

De ce fait, au regard des risques ci-dessus évoqués, ces trois organisations appellent au sursis du vote envisagé et interpellent le président de la République Macky Sall ” pour que du temps soit accordé au débat sur les préoccupations soulevées pour leur prise en compte”.

Malgré cette vague de contestation, l’État n’a pas reculé pas : ministre de la Justice Me Malick Sall a déclaré que ” cette loi considérée comme terrorisme n’est pas concernée par ce qui se passe à l’assemblée nationale aujourd’hui.

“Honorables députés je voudrais tout simplement vous dire que cette disposition n’est pas concernée par les textes qui vous sont soumis à votre appréciation. L’article 279 alinéa 1 qui définit ce qui est terrorisme et tout ce qui participe au terrorisme a été voté par votre Assemblée le 28 octobre 2016. Ce texte a été publié au Journal Officiel et promulgué.  C’est ce texte qui définit ce qui est du terrorisme. Ce texte n’est pas remis en cause pour par les deux projets qui sont soumis aujourd’hui à votre examen”, indique le ministre.

Pis, il se dit étonné de voir d’aucuns revenir sur un texte qui existe.   D’après Me Malick Sall, ça a été développé en commission des lois et les députés étaient courants de ça.

Au final, les deux projets de lois sont passés comme une lettre à la poste après 9 heures de débats. La majorité mécanique l’a encore emporté.