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3ème mandat: Faut pas forcer Par Habib KA, Bureau régional, Matam

Thilogne-Réélu à la tête de l’État pour un second mandat il y a à peine vingt mois, le régime de Macky Sall commence à manifester des signes d’essoufflement : on Fast track comme traitement rapide des dossiers et facilitation de la fluidité des services administratifs n’a pas produit les résultats escomptés ; le chef de l’État ne peut répondre de tout, faire tout et être partout. Une centralisation outrancière des pouvoirs entre les mains d’un omniscient, omnipotent président inhibe la gestion des grands dossiers de l’État. Résultat des courses : faire avec le Premier ministre sans le Premier ministre avec cette trouvaille loufoque des secrétaires ministériels qui ne sauraient avoir  la hauteur générale nécessaire pour être des premiers ministres ministériels.  Sans une ête capable de synthétiser leurs travaux, c’est-à-dire…sans Premier ministre. Vaste programme administratif, en direction de 2024 pour lequel tous les coups sont permis, surtout contre un allié déjà encombrant à peine parachuté à la tête du Conseil économique, social et environnemental et en attendant l’arrivée des Libéraux de Me Wade.

C’est vrai que la Covid-19 est passée par là, endiguant toutes les activités des secteurs essentiels de l’économie, notamment du primaire, du secondaire, de l’administration et du commerce et…faisant peut-être perdre le Nord parfois. Mais la Covid-19 ne justifie pas tout : plan « Sénégal émergent » (PSE) peine à reprendre son envergure pendant qu’on amuse la galerie autour d’une présidence de 2022, en oubliant que Idy Amin aussi a été président de l’Organisation de l’Unité africaine (Oua) et il était loin d’être une lumière.

Le remaniement du gouvernement du Premier novembre dernier devait surtout consacrer le rétablissement du poste de premier ministre, vu les urgences qui expliquent le secrétaire ministériel ; il a ajouté à la nébuleuse et épaissit le voile qui pouvait permettre d’avoir la transparence nécessaire pour comprendre les vrais desseins du chef de l’État.

En effet, quelles que soient les intentions qui pouvaient motiver ce remaniement, elles auraient eu la chance de prospérer et de sauver le soldat Macky Sall si elles prennent en considération un certain nombre de données objectives dont les suivantes.

Les Sénégalais, souteneurs de la coalition Macky 2012, militants de base de l’Apr, cadres, ne veulent pas du tout entendre parler d’un quelconque 3ème mandat ; sur toutes les lèvres, une seule phrase : “Qu’il termine son mandat et nous prête notre palais”.

Chose extraordinaire, le “neddo ko bandum” s’est éteint comme un fétu de paille sur le titre foncier frappé d’hypothèque et de saisie pour engagements non tenus par l’enfant du terroir au Fouta.

A trois ans de la fin du mandat, le Daande Maayo et les animateurs du DM Émergent ne se font aucune illusion, aucun espoir : les projets peuvent encore attendre le futur président.

Que le chef de l’État comprenne que le peuple est mature. Qu’il n’acceptera pas le dictat des transhumants, mercenaires de la langue et de la plume, forts pour embrouiller les pistes et frayer des voies de contournement pour un troisième mandat. Le président de l’Apr n’a pas été élu pour çà et ce n’est pas cela que les Sénégalais attendaient de lui : faire comme Wade, Alpha Condé, Alassane Dramane Ouattara ; qu’il nous épargne l’interprétation du Droit par le conseil constitutionnel, de l’avis de celui-ci qui vaut décision inattaquable : le problème n’est pas juridique,  il est éthique, politique.

C’est pourquoi il doit apprendre du père Wade que le jeu du qui-perd-gagne n’est jamais productif. A force d’éliminer, d’exterminer, d’effacer, d’humilier ses autres fils, il se sont  retrouvés lui et le fils biologique seuls, au creux de la vague, victimes du jeu de malheur du père

Comme les présidents Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, l’ancien maire de Fatick doit se résoudre à prendre de la hauteur, être au-dessus de la mêlée, s’aménager une sortie honorable après avoir franchement préparé ses plus fidèles compagnons de route. Déconcentrer, décentraliser, se préparer à passer la main.

Toutefois, le poste de Premier ministre, seul, ne mène pas forcément à positionner son titulaire pour la prochaine présidentielle ; il faut toute une cuisine du Secrétariat exécutif national et du Parti pour trouver le candidat consensuel.

C’est l’occasion aussi de remettre en selle des militants de la première tel que Alioune Badara Cissé (ABC) mis au frais à la Médiature et non le laisser aller tâter le terrain politique qui lui manque, comme il l’a dit lui-même, Youssouph Touré, président des enseignants Apr tombé en disgrâce pendant que des ralliés de dernière minute, jouent les faucons au prés de monsieur et de madame, la première Dame.

Le rétablissement du poste de premier ministre, non de secrétaires ministériels, s’impose comme un gage pour sortir de ce marasme politique, de cette situation de précarité où tous les acteurs politiques de premier plan sont en sursis et, pour moins que rien, sont emmenés à l’échafaud pour conspiration ou activités fractionnistes comme du vieux temps des purges staliniennes.

2024, c’est maintenant ou jamais. Ne pas le faire c’est s’exposer et exposer les autres à la furie des populations qui ne dorment pas, aux coups d’une opposition, même désorganisée qui peut faire mal, très mal. Et il suffit d’une étincelle pour brûler la campagne. Parce que le verdict des urnes, souvent pour les sénégalais, est une sanction populaire, un rejet : Abdou Diouf faisait piètre figure devant Abdoulaye Wade, Macky plébiscité à 65% aux cris de : « Gorgui na dem, na dem ». Et ce ne sont pas les alliances entre les frères libéraux retrouvés pour imposer un troisième mandat qui aura raison de l’entêtement du peuple sénégalais.

L’histoire ne bégaie pas : si les mesures idoines ne sont pas prises pour renverser la situation, Macky et son cheval, son Yaakaar, seront traînés dans les mares.